vendredi 15 mars 2013


La liberté



  1. La liberté d'action

Si on cherche le sens le plus simple de la liberté, on trouve facilement cette définition : « Être libre c'est faire ce que l'on veut. ».

Cette définition suppose que l'on soit capable de faire ce que l'on veut, parce qu'il ne suffit pas de vouloir faire quelque chose pour la faire, il faut aussi en avoir le pouvoir. Je peux vouloir visiter des galaxies éloignées à bord d'un vaisseau spatial mais j'aurais du mal à le faire.

La liberté suppose donc le pouvoir. Le pouvoir se définit de deux façons :

  • De façon positive, la liberté se définit comme spontanéité, c'est à dire (def.) la capacité à faire quelque chose. Je suis libre de marcher dans la mesure où j'ai des jambes valides et que je sais les utiliser, par contre je ne suis pas libre de jouer de la trompette comme Miles Davis parce que j'en suis totalement incapable.

  • De façon négative l'idée de liberté se définit comme l'absence de contrainte. Celui qui est libre n'est pas soumis à une contrainte comme le fait d'être enchaîné, il n'est pas non plus sous le contrôle d'une autorité extérieure, il n'est pas soumis à un dogme ou au conformisme, mais il vit selon ses goûts, ses sentiments, ses opinions et ses choix.

Dans la mesure où la liberté est une spontanéité, elle a des degrés : on est plus ou moins libre selon les capacités que l'on a et les obstacles que l'on rencontre.
Un individu est plus libre dans la mesure où il a les moyens de développer ses capacités, par exemple, en bénéficiant d'un système d'éducation, de santé, de rencontres, d'opportunités professionnelles, etc. Il est d'autant plus libre s'il ne rencontre pas d'obstacles comme la maladie, la pauvreté, une pression sociale trop importante, etc.
Un individu est moins libre dans la mesure où il rencontre moins d'opportunités de développer ses capacités et qu'il rencontre plus d'obstacles.

Tout cela nous montre que la liberté se mesure à ce que l'on peut faire plutôt qu'au fait de faire ce que l'on veut. Quand un prisonnier joue aux cartes, il fait bien ce qu'il veut mais il serait mieux pour lui qu'il puisse faire autre chose. On peut donc formuler une définition plus précise de la liberté d'action : (def.) pouvoir faire ce que l'on veut.


La liberté d'action a donc deux conditions : vouloir et pouvoir faire quelque chose. On peut se demander comment ces deux conditions peuvent être remplies :

  • Selon Aristote (Ethique à Nicomaque, III), la condition nécessaire pour qu'un acte soit volontaire est qu'il dépende de nous-mêmes (par opposition aux actes involontaires qui ne dépendent pas de nous parce qu'ils sont faits par ignorance ou sous la contrainte d'une force majeure). Autrement dit, il faut que la cause de l'action soit en nous-mêmes : je suis libre si ma volonté, mon choix, est à l'origine de mon action. Mais qu'est-ce qui est à l'origine de mon choix ? Si tout ce qui existe a une cause il est possible de penser que nos désirs, nos choix nos volontés aient des causes antécédentes qui ne dépendent pas de nous-mêmes. Dans quelle mesure formons-nous nous-mêmes notre volonté ?
  • Ce que l'on peut faire dépend d'un éventail de possibilités qui s'ouvre plus ou moins à nous. Nous avons vu que les circonstances ouvrent plus ou moins cet éventail de possibilités. Mais il ne suffit pas qu'il y ait des possibilités, il faut être capable de les saisir. Comment nous emparons nous de ces possibilités ? Qu'est-ce qui nous permet de les saisir et de nous les approprier ? La liberté de saisir des possibilités a souvent été conçue comme un « libre-arbitre », c'est à dire (def.) une capacité à choisir entre plusieurs options. Comment se fait-il qu'il y ait des options ? Et comment se fait-il que nous puissions les choisir ?


  1. La liberté de la volonté

Si on vous met un couteau sous la gorge, vous donnerez bien volontiers votre portefeuille. Généralement, on interprète les comportement faits sous l'emprise de l'intimidation, de la passion, de la drogue ou de l'endoctrinement comme des actions influencées. Celui qui agit sous influence réalise ce qu'il veut, il est donc libre au sens de la liberté d'action, mais on peut considérer qu'il n''est pas entièrement libre dans la mesure où sa volonté ne dépend pas entièrement de lui. Pour être libre, il ne suffit pas de pouvoir faire ce que l'on veut, il faut aussi avoir un recul sur ce que l'on veut et de pouvoir former soi-même ses intentions. On appellera cette liberté la liberté de la volonté : (def.) être capable de former soi-même les intentions qui motivent nos actions.
On peut rattacher la liberté de la volonté à la capacité de faire des choix : c'est à travers la délibération et le choix que nous nous approprions notre volonté et que nous formons des intentions qui dépendent vraiment de nous-mêmes. La capacité à faire des choix doit-elle même être libre, c'est à dire que le choix ne doit pas être une simple réaction qui ne dépend pas de nous-mêmes. La capacité à faire des choix libres s'appelle le libre-arbitre, voilà comment Saint Thomas d'Aquin la présente :


« L’homme possède le libre arbitre, ou alors les conseils, les exhortations, les préceptes, les interdictions, les récompenses et les châtiments seraient vains. Pour établir la preuve de la liberté, considérons d’abord que certains êtres agissent sans aucun jugement, comme la pierre qui tombe vers le bas, et tous les êtres qui n’ont pas la connaissance. D’autres êtres agissent d’après un certain jugement, mais qui n’est pas libre. Ainsi les animaux telle la brebis qui, voyant le loup, juge, qu’il faut le fuir ; c’est un jugement naturel, non pas libre, car elle ne juge pas en rassemblant des données, mais par un instinct naturel. Et il en va de même pour le jugement des animaux. Mais l’homme agit d’après un jugement ; car, par sa faculté de connaissance, il juge qu’il faut fuir quelque chose ou le poursuivre. Cependant, ce jugement n’est pas l’effet d’un instinct naturel s’appliquant à une action particulière, mais d’un rapprochement de données opéré par la raison. C’est pourquoi l’homme agit selon un jugement libre, car il a la faculté de se porter à divers objets. En effet, dans le domaine du contingent, la raison peut suivre des directions opposées, comme on le voit dans les syllogismes dialectiques et les arguments de la rhétorique. Or, les actions particulières sont contingentes ; par suite, le jugement rationnel qui porte sur elles peut aller dans un sens ou dans l’autre, et n’est pas déterminé à une seule chose. En conséquence, il est nécessaire que l’homme ait le libre arbitre, par le fait même qu’il est doué de raison. »
Thomas d’Aquin, Somme théologique , I, q. 83

La première phrase établit un lien nécessaire entre le fait de posséder un libre arbitre et le fait de se comporter moralement. Aristote fait remarquer qu'on ne blâme pas quelqu'un qui est laid par nature, mais qu'on blâme quelqu'un qui le devient par ses choix. Il faut donc que nous ayons la capacité de faire des choix, le « libre-arbitre », pour que « les conseils, les exhortations, les préceptes, les interdictions, les récompenses et les châtiments » qui accompagnent la morale servent à quelque chose. Par contre, si le libre arbitre n'existe pas, si nous suivons un destin qui ne dépend pas de nos choix, alors tous les conseils, les préceptes, les récompenses et les punitions ne peuvent pas peser sur notre choix.

Mais la capacité à choisir librement existe-t-elle ? Saint Thomas d'Aquin prouve que le libre arbitre existe avec deux distinctions.

Tout d'abord, il distingue les êtres sans jugement comme la pierre et les êtres dotés de jugement comme les animaux. Le jugement est présenté comme une pensée de l'action à accomplir. Les choses qui ne pensent pas en sont dépourvues. En revanche, les animaux sont capables de jugement. Saint Thomas prend l'exemple de la brebis qui fuit le loup, à la différence de la pierre qui tombe, le mouvement de la brebis accomplit un but. La brebis agit donc avec une intention. Il en est de même pour les autres animaux : ils diffèrent des choses inertes dans la mesure où ils suivent des buts.

Il distingue ensuite le jugement naturel et le jugement libre. Le jugement naturel suit un instinct, c'est à dire un réflexe inné. À la vue du loup, la brebis a le réflexe de fuir. Elle agit selon sa nature, elle est faite pour fuir à la vue des loups. Elle ne choisit pas dans la mesure où son instinct ne lui impose qu'un seul but.
Le jugement libre, quant à lui, ne repose pas sur l'instinct mais sur la raison. La raison est ici présentée comme la capacité à « rassembler des données » et à « se porter sur plusieurs objets ». Rassembler des données consiste à se représenter diverses actions possibles, différents buts possibles. La brebis ne pouvait que se représenter un seul but, fuir, l'homme peut s'en représenter deux : poursuivre un but ou le fuir.
La raison peut aller dans un sens ou dans l'autre dans la mesure où elle perçoit la contingence de la situation. Le contingent est ce qui pourrait être autrement, le « domaine du contingent » est tout ce qui peut se réaliser de différentes façons. La raison perçoit les différentes possibilités. Le jugement qui s'appuie sur la raison s'engage pour ou contre l'une de ces possibilités.

L'homme étant doué de raison, son jugement peut (doit?) passer par l'examen des possibles. De la même façon que la brebis est faite de telle façon qu'elle fuit à la vue du loup parce qu'elle est faite d'instincts, l'homme est fait de telle façon qu'il choisit parce qu'il est doué de raison.


Saint Thomas d'Aquin a ainsi prouvé l'existence du libre arbitre. Le libre-arbitre est la conjonction de la contingence du monde, de notre raison qui comprend cette contingence et du jugement par lequel nous nous engageons pour un but.


On peut poser au moins deux grandes questions à cette conception : notre engagement pour un but est-il vraiment le point de départ de notre action, ou dépend-il de causes antécédentes ? D'autre part, y a-t-il de la contingence dans le monde ?




Question 1 : Le choix est-il le point de départ de l'action ?

L'engagement pour un but consiste à suivre un désir, parmi plusieurs désirs. Mais à partir de quand sommes-nous aiguillés vers un désir plutôt que vers un autre ? Est-ce que nous nous orientons nous mêmes au moment du choix ? Ou est-ce que nous étions déjà orientés au moment du choix ? Est-ce que notre choix cause notre action, ou est-ce qu'il est l'effet de causes antécédentes ? Il y a au moins trois façons de concevoir la force et le rôle du choix :

  1. Soit elle est totale et le choix est la création d'une nouvelle série de causes et d'effets. Le choix est alors un point de départ absolu, une cause non causée. Je décide de m'engager dans une œuvre humanitaire, avant la décision, mon engagement est une idée purement virtuelle, elle n'existe pas dans le monde réel, après, c'est une réalité, un fait de plus dans le monde réel. Il y a donc eu une création. Cela suppose un dualisme de l'esprit et de la matière ainsi que l'idée d'une interaction causale entre l'esprit et la matière : une idée n'existe d'abord que dans l'esprit, puis elle est réalisée dans le monde physique.

  1. Soit elle est partielle et consiste à passer d'une série causale à une autre. Le choix n'est alors plus un point de départ absolu, mais seulement une intersection entre différentes séries de causes et d'effets. Le choix consiste à suivre un désir plutôt qu'un autre : en décidant de m'engager dans une œuvre humanitaire, je suis un désir déjà présent en moi, plutôt que d'autres désirs présents en moi, comme m'engager dans une cause écologique. Cette conception n'engage pas forcément à un dualisme de l'esprit et de la matière, mais elle engage à l'idée que l'esprit a une efficacité causale : la délibération fait quelque chose.

  1. Soit elle est nulle et illusoire, le choix n'est que la conséquence d'une série causale antécédente. En décidant de m'engager dans une œuvre humanitaire, je ne fais que suivre un désir causé par la conjonction des circonstances et de ma nature, je n'aurais pas pu faire autrement. Cette conception du choix peut être rattachée à l'épiphénoménisme, selon lequel l'esprit n'a aucune efficacité causale.




Question 2 : Y a-t-il de la contingence dans le monde ?

Diodore Chronos a formulé un argument permettant de se mettre au clair sur la question de la contingence. Il formule trois prémisses que ne peuvent pas êtres acceptées toutes les trois en même temps, il faut choisir entre elles :

  1. Le passé est irrévocable.
  2. On ne peut pas déduire logiquement le possible de l'impossible et inversement.
  3. Il y a des possibles qui ne se réaliseront jamais.

On admet 
On rejette 
1 et 2
3
2 et 3
1
1 et 3
2



La question de la contingence et de la nécessité s'est cristalisée autour du problème du déterminisme, c'est à dire de l'idée que le présent résulte nécessairement du passé ou que tout événement dépend de causes antécédentes. Un déterminisme fort soutient que toutes les causes sont liées de façon nécessaire, tout ce qui arrive est donc dépendant de tout ce qui précède. Cela peut être relié au problème logique soulevé par Diodore : si tout ce qui arrive dépend nécessairement des causes antécédentes, il n'existe pas de possibles, cela revient à accepter les prémisses 1) et 2) et à rejeter la prémisse 3). Cela consiste à dire que, bien qu'il semble y avoir des possibles au futur (« la bataille navale aura lieu ou n'aura pas lieu demain »), ce n'est en fait qu'une apparence : imaginons que la bataille navale ait lieu demain, après demain, la bataille navale sera un fait passé, or tout ce qui est passé est nécessaire, donc le fait que la bataille navale ait lieu est nécessaire, et le fait que la bataille n'ait pas lieu est impossible.
Comme le montre Leibniz, l'idée que tout dépend nécessairement des causes antécédentes et celle que la vérité de chaque énoncé est éternelle revient à une même thèse centrale :

"Les hommes presque de tout temps ont été troublés par un sophisme que les anciens appelaient la raison paresseuse, parce qu'il allait à ne rien faire ou du moins à n'avoir soin de rien, et ne suivre que le penchant des plaisirs présents. Car, disait-on, si l'avenir est nécessaire, ce qui doit arriver arrivera quoi que je puisse faire. Or l'avenir, disait-on, est nécessaire, soit parce que la divinité prévoit tout, et le préétablit même, en gouvernant toutes les choses de l'univers ; soit parce que tout arrive nécessairement par l'enchaînement des causes ; soit enfin par la nature même de la vérité qui est déterminée dans les énonciations qu'on peut former sur les événements futurs, comme elle l'est dans toutes les autres énonciations, puisque l'énonciation doit toujours être vraie ou fausse en elle-même, quoique nous ne connaissions pas toujours ce qui en est. Et toutes ces raisons de détermination qui paraissent différentes, concourent enfin comme des lignes à un même centre : car il y a une vérité dans l'événement futur, qui est prédéterminé par les causes, et Dieu l'a préétabli en établissant ces causes."

LeibnizEssais de théodicée

( Pour une présentation très complète de la position de Leibniz sur ce problème par Jacques Bouveresse : http://philosophie-cdf.revues.org/416 )
Ces arguments peuvent nous faire douter de l'existence d'une contingence dans le monde. Pour aller plus loin, nous devons donc établir dans quelle mesure la liberté pourrait exister malgré le déterminisme.






III. Liberté de la volonté et déterminisme


Le principe de causalité dit que (def.) rien n'est sans cause. Le déterminisme est une application du principe de causalité. Il y a deux types de déterminismes :

  1. Le déterminisme métaphysique : selon lequel le présent est le résultat du passé, autrement dit, tout événement est le produit d'une cause antécédente.
  2. Le déterminisme « scientifique » : selon lequel tout événement peut être prédit si l'on connaît suffisamment les événements qui l'ont causés et les lois causales qui les relient.

L'image du monde que propose le déterminisme est bien dépeinte par l'histoire du démon de Laplace. Laplace nous demande d'imaginer une intelligence comparable à l'intelligence humaine, mais qui connaît toutes les lois que la physique peut découvrir et tous les mouvements futurs du monde physique depuis aujourd'hui. Une telle intelligence pourrait déduire tous les faits futurs à partir des faits passés et des lois qui les dirigent.


    1. Incompatibilisme
Si la thèse déterministe est vraie, alors nos choix ne sont pas des causes non causées, ils sont le résultat des causes antécédentes. Par conséquent rien ne dépend de nous au sens fort selon lequel nous serions la première cause de notre action. Si l'on exige que, pour qu'un acte dépende de nous, notre choix soit une cause non causée, alors : soit le déterminisme est vrai et nous ne sommes pas libres, soit il est faux et nous sommes libres.

Selon Kant, il y a là une « antinomie », c'est à dire l'opposition de deux thèses que rien ne peut concilier :

  1. Tout événement n'arrive pas selon le principe de causalité naturelle, il y a aussi des actions causées par la liberté.

  1. Tout arrive selon le principe de causalité naturelle.


"Sous sa forme la plus simple, la difficulté peut être résumée comme la contradiction entre notre conscience qui nous dit que nous sommes libres et par conséquent responsables, et notre expérience quotidienne dans le monde extérieur où nous nous orientons d'après le principe de causalité. Dans toutes les choses pratiques et spécialement dans les choses politiques, nous tenons la liberté humaine pour une vérité qui va de soi, et c'est sur cet axiome que les lois reposent dans les communautés humaines, que les décisions sont prises, que les jugements sont rendus. Dans tous les champs de travail scientifique et théorique, au contraire, nous procédons d'après la non moins évidente vérité du nihil ex nihilo [rien ne vient de rien], du nihil sine causa [rien sans cause], c'est-à-dire en supposant que « même nos propres vies sont, en dernière analyse, soumises à des causes »."

Hannah Arendt, "Qu’est-ce que la liberté ?", in La Crise de la culture



Pour rendre compte de cette antinomie, Arendt commence par opposer le témoignage de la conscience et celui de l’expérience. La conscience est la réflexion directe sur soi, la connaissance subjective que nous avons de nous-mêmes. Quand nous agissons librement, nous ressentons une absence de contrainte, nous avons l’impression que notre volonté est la seule cause de notre action. C’est dans ce sens qu’elle nous dit que nous sommes « libres » : nous sommes les causes premières de nos actions, et « responsables », nous sommes les auteurs de nos actions, nous agissons selon nos raisons, et par conséquent, nous pouvons en répondre. Mais à côté de la conscience de nous-mêmes, nous avons l’expérience du monde extérieur. L’expérience observe des faits qu’elle met en relation avec le principe de causalité. H. Arendt reprend ici l’idée de Kant selon laquelle l’expérience du monde est organisée par les catégories de l’entendement : nos observations sont organisées entre autre par le principe de causalité, qui permet de comprendre des rapports entre les faits. Si l’on observe quelqu’un agir, on verra toujours des causes qui précèdent et produisent sa volonté. Quand je choisis de sortir faire un tour, de m'engager dans un parti, dans une relation amoureuse, etc, ma volonté est toujours l'effet de causes antécédentes.

La liberté est considérée comme un axiome dans la vie politique parce que les « décisions » prises dans les assemblées et les « jugements » rendus dans les cours de justice en dépendent.
Une décision est en effet un choix déterminant, un engagement envers la possibilité qui nous semble la meilleur au terme d'une délibération. Si cet engagement dépend de causes indépendantes des choix individuels, alors les raisons invoquées lors de la délibération n'ont aucun poids. Ce qui a du poids dans la délibération, c'est alors l'influence, la séduction, la force qui pèse sur la décision, et non les raisons qui sont censées guider le choix.
Un jugement punit un coupable dans la mesure où il est responsable de ce qu'il a fait. Mais si ses actes dépendent de causes indépendantes de sa volonté et non de sa volonté elle-même, peut-il encore être tenu pour responsable ? Il sera tenu responsable, mais pas en vertu de sa volonté et de ses choix, plutôt en fonction de sa nature, de son essence : l'action de l'individu manifeste sa nature bonne ou mauvaise.
La liberté est donc considérée comme un axiome, c'est à dire une vérité évidente par elle-même, qui va de soi, qui n'a pas besoin d'être prouvée.

Dans les sciences, c'est plutôt le principe de causalité et l'idée que rien ne vient de rien qui sont considérés comme des axiomes, c'est-à-dire comme des vérités à la fois évidentes et indémontrables.
En effet, tout travail scientifique est une recherche des causes, on prend pour principe qu'un fait ne surgit pas de nulle part, qu'il n'est pas là sans raisons, mais qu'il a des causes et qu'il peut être expliqué par ces causes. Une fois ces principes admis, l'idée de liberté n'a plus de place : la volonté n'est pas la seule cause de notre action puisque selon le principe selon lequel rien ne vient, elle doit venir de quelque part et selon le principe de causalité, elle doit elle même avoir une cause.

La liberté semble alors radicalement incompatible avec le déterminisme. On parle alors de conception « incompatibiliste ». Il y a deux types d'incompatibilismes :

a) Incompatibilisme en faveur de la liberté : nous postulons une causalité par liberté indépendante du déterminisme (un libre arbitre).

  1. Nous sommes la première cause de nos actions libres (comme nous le suggère notre expérience courante).
  2. Si tout obéit à des causes antécédentes, nous ne sommes pas la première cause de nos actions libres.
  3. Nos actions libres doivent être causées par une causalité indépendante du déterminisme qui régit la nature, notre volonté doit être une cause non-causée.

    b) Incompatibilisme en faveur du déterminisme : nous considérons que seul le déterminisme qui régit la nature existe, l'impression d'échapper à ce déterminisme n'est donc qu'une illusion.

  1. l'agent est un système physique
  2. tout système physique obéit au déterminisme
  3. l'agent obéit au déterminisme

L'incompatibilisme en faveur de la liberté définit la liberté comme (Def.) le pouvoir d'initier une nouvelle série de causes et d'effets. Pour que ce pouvoir existe, il faut 1) que l'esprit qui prend une décision soit indépendant du monde physique, il faut donc un dualisme de l'esprit et de la matière ; et il faut 2) que l'esprit ait un rôle causal sur la matière, il faut donc souscrire à l’interactionnisme causal.
Si l'on suit le l'incompatibilisme en faveur de la liberté, il faut aller plus loin, la liberté suppose de rejeter tout déterminisme, non seulement celui du monde physique, mais aussi le fait d'avoir une nature (une essence), même une nature spirituelle comme une âme, qui nous pousse à agir de telle ou telle façon. En effet une nature constitue un ensemble de causes (de dispositions) qui ne résultent pas directement de nos choix : le corps et l'âme précèdent les choix et sont la condition pour que nous puissions faire des choix. C'est pourquoi Sartre considère que si nous sommes libres nous ne devons pas avoir de nature :

 "Dostoïevski avait écrit : "Si Dieu n'existait pas, tout serait permis." C'est là le point de départ de l'existentialisme. En effet, tout est permis si Dieu n'existe pas, et par conséquent l'homme est délaissé, parce qu'il ne trouve ni en lui, ni hors de lui une possibilité de s'accrocher. Il ne trouve d'abord pas d'excuses. Si, en effet, l'existence précède l'essence, on ne pourra jamais l'expliquer par référence à une nature humaine donnée et figée ; autrement dit, pas de déterminisme, l'homme est libre, l'homme est liberté. Si, d'autre part, Dieu n'existe pas, nous ne trouvons pas en face de nous des valeurs ou des ordres qui légitimeront notre conduite. Ainsi, nous n'avons ni dernière nous, ni devant nous, dans le domaine numineux des valeurs, des justifications ou des excuses. Nous sommes seuls, sans excuses. C'est ce que j'exprimerai en disant que l'homme est condamné à être libre. Condamné, parce qu'il ne s'est pas créé lui-même, et par ailleurs cependant libre, parce qu'une fois jeté dans le monde, il est responsable de tout ce qu'il fait. L'existentialiste ne croit pas à la puissance de la passion. Il ne pensera jamais qu'une belle passion est un torrent dévastateur qui conduit fatalement l'homme à certains actes, et qui, par conséquent, est une excuse. Il pense que l'homme est responsable de sa passion. L'existentialiste ne pensera pas non plus que l'homme peut trouver un secours dans un signe donné, sur terre, qui l'orientera ; car il pense que l'homme déchiffre lui-même le signe comme il lui plaît. Il pense donc que l'homme, sans aucun appui et sans aucun secours, est condamné à chaque instant à inventer l'homme".
SartreL'existentialisme est un humanisme, 1946, Folio essais, pp. 39-40.


Sartre donne dans ce texte les conditions d'une liberté absolue. Sa thèse fondamentale est que l'homme a une liberté absolue. Il va donc soutenir sa thèse avec trois arguments :


  1. Un argument théologique : « Si Dieu n'existe pas, alors tout est permis »
  2. Un argument ontologique : Sartre rejette l'idée que l'homme aurait une essence qui le détermine.
  3. Un argument ontologique et moral : il rejette l'idée qu'il existe des valeurs qu'il faudrait suivre.


1. Argument théologique : si Dieu n'existe pas, « l'homme est délaissé » au sens où il ne dépend pas d'une puissance supérieure, il est le seul responsable de ce qu'il fait, ses actes ne sont pas écrits dans un destin. C'est dans ce sens que « tout est permis » : rien n'est imposé par une autorité divine, il n'y a que les hommes qui se permettent ou s'interdisent certaines actions. C'est aussi dans ce sens que l'homme est « sans excuse » : puisque ses actes ne dépendent que de lui, l'individu en est le seul responsable.


2. Argument ontologique : l'homme n'a pas d'essence. Cela signifie que l'homme n'a pas de propriétés nécessaires, il est entièrement contingent. Il n'est que ce qu'il fait, que la somme de ses actes. Pour comprendre cela, il faut bien voir que Sartre n'appelle « homme » que ce qui est choisi. Sartre n'identifie pas l'homme à son corps comme Locke, mais plus à ce que Locke appelait la « personne ». Cependant, ce n'est pas exactement la personne au sens de Locke : pour Locke, la personne est une conscience de soi. Pour Sartre, c'est la conscience à travers les choix et les actes qu'elle réalise concrètement. C'est pourquoi l'homme se fait lui même à mesure qu'il agit. On peut alors comprendre l'idée que « l'existence précède l'essence » : on homme n'est que ce qu'il fait, il faut donc d'abord qu'il vive et agisse pour qu'on puisse ensuite dire qui il est.


3. Argument moral : il n'y a pas de valeurs ou d'ordres indépendants de nous. Les valeurs sont les propriétés qui rendent une action désirable ou requise : bien, mal, vertueux, sage, courageux, etc. Si il n'y a pas de nature humaine, il n'y a pas d'actions qui soient bonnes ou mauvaises par nature. De la même façon, si Dieu n'existe pas, il n'y a pas non plus d'ordres, comme les dix commandements qui s'imposent à nous, mais il n'y a que les ordres que nous nous donnons nous-mêmes. Par conséquent, selon l'argument moral, il n'y a rien qui nous impose une conduite plutôt qu'une autre.


À partir de ces arguments, Sartre dit que l'homme est « condamné à être libre ». Il est condamné au sens où il subit cette situation, il ne l'a pas choisie. Mais il est libre parce que dans cette situation, il doit choisir ce qu'il fait et par conséquent décider lui-même de sa vie.
Sartre anticipe ensuite deux objections :
Tout d'abord, on pourrait lui répondre que nous sommes parfois guidés par la passion : l'amoureux est poussé par l'amour, celui qui ressent de la haine est guidé par la haine. Par conséquent leurs choix ne sont pas totalement indifférents. Mais Sartre répond qu'une passion est toujours choisie : on choisit de suivre sa passion ou de s'en détourner. Plus généralement, cela signifie que les contraintes ne s'opposent pas vraiment à la liberté : elles s'opposent à la liberté d'agir d'une certaine façon, mais elles n'existent que dans la mesure où nous sommes libres au sens ontologique du terme, il n'y a de contrainte que pour quelqu'un qui est libre à la base. Si on reprend l'exemple de Saint Thomas, imaginons une pierre qui tombe, sa trajectoire peut être déviée par beaucoup de choses, mais ce ne seront pas des obstacles ou des contraintes : il n'y a un obstacle une contrainte que lorsque le mouvement a un but et que quelque chose empêche d'atteindre ce but. Par conséquent, il faut déjà être libre au sens d'avoir la capacité de choisir un but, pour rencontrer une contrainte ou un obstacle.
Une deuxième objection serait de dire que nous pouvons voir des signes. Ces signes peuvent être par exemple ceux qui s'accordent avec une croyance religieuse (oracles) ou ceux de l'astrologie, etc. Mais Sartre répond qu'il y a toujours un choix dans l'interprétation des signes.


Il a donc expliqué ce que serait une liberté totale indépendante du déterminisme, mais aussi des obligations religieuses. Cette liberté serait paradoxalement un fardeau dans la mesure ou elle nous obligerait à toujours choisir.






    1. Compatibilisme


Problèmes liés à l'incompatibilisme


Plusieurs problèmes se posent sur la notion de choix une fois que nous avons abandonné le déterminisme :
  1. Si les événements ne se produisent pas selon les causes qui les précèdent, comment pourrions nous décider d'une action ? Si nous sommes libres, nos décisions ne font pas que précéder nos actions, elles les causent aussi. Il faut donc que les événements soient produits par des causes antécédentes pour que nos décisions produisent nos actions. Si un événement n'arrive pas selon des causes antécédentes, il arrive par hasard, or si nos actions arrivent par hasard, elles ne dépendent pas de nous, par conséquent, nous ne sommes pas libres.
    Cela conduit au dilemme du déterminisme :
    i) Si tout arrive selon le principe de causalité, alors, nos choix ne sont pas libres dans la mesure où ils sont déterminés par des causes antécédentes.
    ii) Si tout n'arrive pas selon le principe de causalité, alors nos choix ne sont pas forcément connectés avec nos désirs et nos raisons, et dans ce cas, ils ne dépendent pas de nous.
  1. Nous pouvons prédire les actions de quelqu'un, or toute prédiction suppose une régularité causale, donc les actions sont déterminées par des régularités causales. Hume dit que le prisonnier se méfie bien plus de l'inflexibilité du geolier que de la rigidité des barreaux, il est plus facile de scier des barreaux que de corrompre le géolier.

  2. Il y a une asymétrie entre le témoignage à la première personne et le témoignage à la troisième personne. La personne qui agit ressent un sentiment d'indifférence, à un croisement, il sens qu'il peut aussi bien tourner à gauche qu'à droite. Certains philosophes ont pensé que ce sentiment d'indifférence était le signe d'une indifférence ontologique : rien, dans nous-mêmes et dans les choses ne nous force à agir d'une façon plutôt que d'une autre. Mais cela contredit l'observation que nous faisons à la troisième personne, comme nous l'avons vu, on peut faire des prédictions sur les actions de quelqu'un, quand on connaît une personne, on peut dire que tel acte ou tel choix « lui ressemble ».



Cause et contrainte


Opposer la liberté au déterminisme et la concevoir comme une sorte d'indifférence ontologique, c'est peut être faire une confusion entre cause et contrainte. Si l'on conçoit toute cause comme un élément extérieur à nous qui nous impose une façon de penser et d'agir, alors les causes sont des contraintes. Mais en pensant comme cela on oublie que nous sommes nous mêmes des causes : nos désirs, nos pensées, notre corps comptent pour quelque chose dans les séries de causes et d'effets du monde. Dans ce sens, on ne peut pas dire que toutes les causes s'opposent à nous et nous contraignent. Il faut donc distinguer les causes et les contraintes : une contrainte est une cause qui nous empêche d'agir comme nous le désirons, mais toute cause n'est pas une contrainte puisque nos propres désirs sont eux-mêmes des causes. Si tout arrive selon le principe de causalité, il y a beaucoup plus de causes que de contraintes. Même quand nous ne ressentons pas un désir d'agir de telle ou telle façon, il faut bien que nos intentions et nos actions soient causés d'une façon ou d'une autre, mais ces causes qui nous poussent à agir ne sont pas des contraintes. L'indifférence n'est pas l'absence de causes, mais l'absence de contraintes. Ce qui fait obstacle à la liberté ce ne sont pas les causes qui nous déterminent, ce n'est pas le déterminisme en général mais ce sont les contraintes. Il y a deux types de contraintes :

  1. les contraintes externes, quand un obstacle s'oppose à notre volonté. Celui qui est enchaîné ne peut pas agir comme il le veut, celui qui est menacé ne peut pas agir comme il le voudrait. Les contraintes externes sont de différents types : naturelles, sociales ou politiques. (cf Mill : problème des contraintes que la société impose à l’individu).
  2. les contraintes internes, quand nos désirs sont en conflit, Léontios qui veut être juste et aller voir les supplices (exemple de Platon), le toxicomane qui veut garder son travail et qui veut prendre sa drogue...

Deux choses peuvent alors favoriser la liberté : un contexte politique qui réduit au maximum les contraintes externes, et une éthique qui diminue les contraintes internes. Cela montre que la liberté entendue comme spontanéité n’est pas absolue, mais qu’elle a des degrés : on est plus ou moins libre selon que nous rencontrons plus ou moins d’obstacles.



Le contrôle des désirs


Cependant, en concevant la liberté comme une spontanéité compatible avec le déterminisme, on a une conception de la liberté d'action, mais qu'en est-il de la liberté de la volonté ? Notre volonté est-elle libre si elle dépend d'une série de causes antécédentes ?
La conception compatibiliste peut admettre un libre arbitre tel que celui que Saint Thomas d'Aquin décrit. La réflexion rationnelle joue alors un rôle essentiel dans la liberté de la volonté. Être libre suppose de ne pas se laisser entraîner par n'importe quel désir ou n'importe quelle passion et d'avoir 1) une capacité réflexion et de prise de distance sur ses désirs ; et 2) une capacité de contrôle de ses désirs.
La thèse du compatibilisme est que les conditions 1) et 2) n'engagent pas à supposer un pouvoir indépendant des causes antécédentes, notre volonté ou notre choix n'a pas à être la première cause non causée de l'action. Notre réflexion peut avoir des causes antécédentes et néanmoins prendre de la distance sur les désirs immédiats, et nous pouvons contrôler nos désirs même si ce contrôle est rattaché à des causes antécédentes. Mais ce qu'il faut supposer, c'est que notre réflexion produit des désirs qui servent à juger et à diriger les autres désirs.
Les désirs qui servent à juger sont des désirs qui ne portent pas sur des objets matériels, mais sur d'autres désirs, ce sont des désirs de désirs, ou, comme les appelle Harry Frankfurt, des « désirs de second ordre ». selon Frankfurt, pour posséder le libre arbitre, il faut : a) une capacité de délibération rationnelle qui permette de former des désirs de second ordre, et b) une capacité à se contrôler pour se conformer aux désirs de second ordre. Je peux avoir un désir immédiat de manger un gros repas et de bien l'arroser, mais ce désir immédiat se heurte à un désir d'un autre ordre, mon désir de désirer des repas légers pour être en bonne santé et de me sentir bien. J'ai donc un désir de second ordre qui me détourne du désir immédiat et me porte vers un repas plus équilibré. Dans ce cas, je suis libre puisque je désire ce que je désire désirer, c'est à dire un repas équilibré. Par contre si je satisfais mon désir immédiat et que je prends un repas lourd, je ne serai pas libre au sens où je ne serai pas en cohérence avec mes désirs de second ordre.



Les possibilités alternatives

On pourra encore être insatisfait de l'incompatibilisme : certes, les actions dépendent des choix, mais si nous sommes déterminés à faire un choix et pas un autre, le problème se repose. Une condition supplémentaire que l'on peut exiger pour être libre, c'est que lorsque nous choisissons de tourner à droite nous aurions pu choisir de tourner à gauche. C'est le principe des possibilités alternatives : (def.) une action ou un choix est libre si il aurait pu être autrement. Pour concilier le déterminisme avec ce principe, le compatibilisme a deux solutions. Pour présenter ces solutions, il faut distinguer trois formes de déterminisme :

  • Un déterminisme de la nécessité selon lequel tout événement est nécessité par les causes antécédentes.
  • Un déterminisme conditionnel selon lequel si certaines conditions sont remplies alors un événement doit arriver.
  • Un déterminisme faible selon lequel la liaison des causes et des effets n'est pas nécessaire mais seulement probable.


Solution 1 : un déterminisme conditionnel


Le déterminisme semble nous dire que tout ce qui arrive arrive sans nous, que nous sommes les spectateurs impuissants d'une histoire déjà écrite. Mais c'est faire une confusion : le fait que notre volonté soit déterminée par des causes antécédentes n'annule pas le fait qu'elle soit elle même une cause de l'avenir. Le fatalisme repose sur le déterminisme de la nécessité tandis que le déterminisme conditionnel laisse .place à des possibilités alternatives : si les conditions antécédentes sont différentes, alors l'effet est différent. On peut alors distinguer déterminisme et fatalisme :


 "Tandis que le fatalisme considère l'avenir comme prédéterminé quoi que nous fassions, le déterminisme est toujours conditionnel : il pose seulement que, si certaines conditions sont réalisées, tel effet s'ensuivra. La volonté humaine, englobée dans le réseau des causes et des effets de l'univers, devient elle-même, si elle n'est pas une cause première, une des causes déterminantes, cependant, de l'avenir. Et c'est pourquoi, pratiquement, le déterminisme n'aboutit pas du tout au même « raisonnement paresseux » que le fatalisme : « La liaison des causes et des effets, dit Leibniz, bien loin de causer une fatalité insupportable, fournit plutôt un moyen de la lever. » C'est lorsqu'il a commencé, grâce à la science, à mieux connaître cette liaison dans le monde physique que l'homme a accru son pouvoir sur la nature. S'il la connaissait mieux en lui-même, dans sa propre nature, et dans ces choses sociales au milieu desquelles il se meut, […] loin d'être réduit à l'impuissance, il serait au contraire moins désarmé à l'égard de ses passions et de tous les événements humains."

Armand Cuvillier



Non seulement le déterminisme ne s'oppose pas à la liberté mais il en est même la condition. La connaissance et la maîtrise de techniques joue alors un rôle essentiel dans l'acquisition de la liberté. Plus on connaît les causes qui déterminent le cours de la nature et qui nous déterminent nous mêmes, plus on peut les maîtriser.


Solution 2 : un déterminisme faible

Une autre façon de concilier le déterminisme et la liberté est de laisser place à de la contingence dans le monde (autrement dit, de choisir les prémisses 2) et 3) du Dominateur). Selon un déterminisme faible il y a bien une liaison causale entre les événements, mais cette liaison n'est pas forcément nécessaire, comme le dit Leibniz « Les conséquences géométriques et métaphysiques nécessitent, mais les conséquences physiques et morales inclinent sans nécessiter (...) ».
Si la liaison n'est pas nécessaire, alors : 1) ni notre volonté ni nos raisons d'agir ne sont nécessitées par les causes antécédentes et 2) ce qui arrivera est contingent et certains événements dépendront de nous.

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