Définir
et distinguer
Le travail de définition et de distinction des concepts est une part essentielle de la réflexion philosophique. Vous trouverez quelques mots sur la nature des concepts, sur leurs caractéristiques, puis une méthode et des exercices pour les définir et les distinguer.
Vous n'avez pas à apprendre tout, mais devez savoir ce que sont l'extension et la compréhension, le rapport entre genre et espèce, ainsi que ce que sont des conditions nécessaires et des conditions suffisantes et vous devez faire les exercices.
Vous n'avez pas à apprendre tout, mais devez savoir ce que sont l'extension et la compréhension, le rapport entre genre et espèce, ainsi que ce que sont des conditions nécessaires et des conditions suffisantes et vous devez faire les exercices.
I.
Les concepts
I.1.
Qu'est-ce qu'un concept ?
Nous
devons dire quelques mots sur les concepts avant d'expliquer en en
quoi consiste le travail de définition et de distinction.
Un
concept est : (def.) le plus petit élément d'un jugement.
Dans ce sens, les concepts sont comme les atomes de la pensée. Une
pensée est une combinaison de concepts.
Un
concept identifie un type de choses. Nos concepts nous permettent de
classer les choses en les regroupant selon les propriétés qu'elles
possèdent en commun.
On
s'est très tôt demandé si les concepts sont des entités purement
mentales ou des aspects des choses :
« En
ce qui concerne les genres et les espèces : subsistent-ils en
eux-mêmes ou ne sont-ils contenus que dans les pures conceptions
intellectuelles, sont-ils des substances corporelles ou incorporelles
; sont-ils séparés enfin des choses sensibles ou y sont-ils
impliqués, y trouvant leur circonstance? Je me garderai de le
préciser; c'est un problème très difficile nécessitant des
recherches approfondies. »
Porphyre, Isagogè
Trois
grandes positions philosophiques se sont disputées par rapport à ce
problème appelé la « querelle des universaux » :
- Le nominalisme : les concepts généraux ne sont que les façons dont nous utilisons les mots. Si le nominalisme a raison, les définitions servent à se mettre d'accord sur les mots. Elles permettent donc de se mettre d'accord sur ce que l'on dit et de dissiper les malentendus et de « construire » des essences artificielles pour nos théories.
- Le conceptualisme : les concepts généraux existent dans notre esprit. Si le conceptualisme a raison, les définitions servent mettre de l'ordre dans nos pensées et de s'accorder avec la structure de notre esprit.
- Le réalisme : les concepts généraux renvoient à des propriétés réelles des choses. Si le réalisme a raison, les définitions énoncent l'essence des choses.
I.2.
Compréhension et extension
Les
concepts se définissent par leur extension
et par leur compréhension :
L'extension
est : (def.) l'ensemble des choses auxquelles le concept
s'applique. Définir le concept d'homme en extension, c'est faire la
liste de tous les êtres humains : {Pierre, Marion, Paul,
Gérard, Julie, etc.}
La
compréhension est : (def.) l'ensemble des propriétés que
possèdent en commun les choses auxquelles le concept s'applique.
Définir le concept de célibataire, c'est énoncer les propriétés
caractéristiques des célibataires : êtres humains non-mariés.
- I.3. Genres et espèces
Les
concepts entretiennent des liens logiques, ils sont organisés dans
des classifications. Pour classer les concepts, on parle de
« genres » et d' « espèces ». Un genre
est un concept dont l'extension est plus grande et la
compréhension plus simple. Une espèce est un concept dont
l'extension est contenue dans l'extension d'un genre et dont la
compréhension est plus complexe.
Par
exemple :
Genre
|
Espèce
|
Arbre
Véhicule
|
Chêne,
Tilleul, Cerisier, etc.
Vélo,
Train, Voiture, etc.
|
Une définition bien formée obéit à
trois règles1 :
- non-circularité : le terme défini n'entre pas dans la définition
- adéquation extensionnelle : la définition correspond à toutes les choses auxquelles le terme défini s'applique et uniquement à l'ensemble de ces choses
- adéquation intensionnelle : la définition doit énoncer les propriétés caractéristiques de la chose définie
II.1.
Par genre commun et différence spécifique
Selon
Aristote, la définition doit donner le
genre commun et la différence spécifique. Pour
définir un terme, il faut donc procéder en deux temps :
- Remonter au genre auquel il appartient, c'est à dire au concept d'extension supérieure.
Par
exemple :
Concept
de départ
|
Genre
|
Table
Évolution
Action
|
Meuble
Transformation
Mouvement
|
- Énoncer la propriété qui caractérise l'espèce et qui délimite l'extension du concept aux seules choses qui possèdent cette propriété.
Par
exemple :
Concept
de départ
|
Genre
|
Différence
spécifique
|
Table
Evolution
Action
|
Meuble...
Transformation...
Mouvement...
|
… consistant
en un plateau soutenu par plusieurs pieds
… graduelle
… volontaire
|
Une
distinction conceptuelle montre généralement le genre commun à
deux concepts et leurs différences spécifiques. Par exemple :
l'opinion irréfléchie et la connaissance sont toutes les deux
des croyances, mais l'opinion peut aussi bien être vraie que fausse et n'est pas justifiée tandis que la connaissance est à la fois
vraie et justifiée.
On
peut aussi distinguer deux concepts en montrant que l'un est une
espèce de l'autre pour dissiper un amalgame. Par exemple : la
superstition est une espèce de croyance basée sur une
justification irrationnelle, mais toutes les croyances ne sont pas
des superstitions.
Exercice 1 :
trouvez le genre commun et la différence spécifique des termes
« piano », « égoïsme » et « illusion »
|
Exercice
2 : distinguez, en montrant leurs différences spécifiques,
les concepts : « pouvoir légitime / tyrannie »,
« liberté / licence », « opinion /
connaissance ».
|
II.2.
Conditions nécessaires et conditions suffisantes
Un
bon moyen pour trouver le genre et l'espèce qui définissent un
concept est de trouver ses « conditions nécessaires » et
ses « conditions suffisantes ».
II.2.1.
Conditions nécessaires
N
est une condition nécessaire de P si N est vrai lorsque P est vrai.
Autrement
dit : pas de P sans N.
Exemples :
Si
on peut skier (P), alors il y a un sol glissant (N).
Si
x est une connaissance (P), alors x est une croyance (N).
II.II.2.
Conditions suffisantes
S
est une condition suffisante de P si P est vrai lorsque S est vrai.
Autrement
dit : S garantit P.
Exemples :
Si
la neige fond (P), alors la température est supérieure à 0°c (S).
Si
x est vrai (S), alors x est une connaissance (P).
II.II.3.
Conditions nécessaires et suffisantes
C
est une condition nécessaire et suffisante de P si P est vrai
lorsque C est vrai et si P est faux lorsque C est faux.
Autrement
dit : P si et seulement si C
Exemples :
Le
quadrilataire ABCD est un losange (P) si et seulement si les
diagonales de ABCD se coupent en leur milieu et sont perpendiculaire
(C).
Gérard
est célibataire (P) si et seulement si Gérard est un être humain
et qu'il n'est pas marié (C).
x
est une connaissance (P) si et seulement si x est une croyance vraie
justifiée (C).
Exercice
3. Dites si l'expression C entre crochets est une condition
nécessaire, suffisante, nécessaire et suffisante ou ni
nécessaire ni suffisante.
|
Pour approfondir : http://www.ontologyfreak.com/logique-formelle-et-informelle
1Engel
et Dutant, Philosophie de la connaissance, Vrin
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