samedi 7 juin 2014

Des émissions de radio utiles pour réviser

http://www.franceculture.fr/emission-les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance-bac-philo-deuxieme-session-24-dissertation-a-quoi-b

vendredi 6 juin 2014

L'art




L'art est l'activité de production d’œuvres destinées à donner des émotions esthétiques. Si la culture est le développement des capacités humaines, l'art est la partie de la culture qui développe la sensibilité. La sensibilité est la capacité d'être affecté par des sensations et des émotions. La sensibilité à l'état brut est centrée autour des besoins immédiatement utiles à le préservation de l'espèce : manger, boire, dormir, se reproduire, fuir le danger, etc. Mais la culture développe la sensibilité au delà de la pure et simple réponse à ces besoins de base. Par exemple, on ne se contente pas de manger pour se nourrir, on développe une sensibilité culinaire et on cherche des plats plus raffinés que les racines et la viande crue. L'art peut être vu comme la production d’œuvres destinées à satisfaire notre sensibilité. Une oeuvre d'art visuelle apporte une certaine satisfaction par les qualités qu'elle offre à a vue par exemple.
Mais quelle est la nature de cette satisfaction? Toutes les œuvres d'art s'adressent-elles à notre sensibilité de la même façon? Y a-t-il quelque chose de commun dans ce que nous apportent des œuvres aussi différentes que :



et 


?

  1. Pourquoi fait-on de l'art ?

L'art n'est pas utilitaire : au contraire, les œuvres d'art sont soigneusement écartées des objets utilitaires. On les met dans des musées, dans des salles de théâtre, de concert, etc pour bien marquer cette séparation. Mais alors, si l'art n'est pas utilitaire, pourquoi fait-on de l'art ? Qu'est-ce que l'art apporte à la vie ?

On peut donner plusieurs réponses à cette question :

  • Le plaisir. L'art nous fait éprouver un plaisir « esthétique », c'est à dire un plaisir dû à la contemplation d'un objet. Le plaisir esthétique se caractérise par une certaine indépendance vis à vis de nos désirs : ce n'est pas la satisfaction d'un désir à travers la consommation d'un objet ou l'action sur quelque chose, le plaisir esthétique consiste plutôt à contempler.

  • Le divertissement. On peut considérer l'art comme un moyen d'oublier nos soucis, de fuir le quotidien pour un moment. Dans ce sens, l'art est une parenthèse agréable. Le mot « divertissement » exprime bien cela : il s'agit de se détourner des problèmes de la vie réelle à travers une création imaginaire. Notre rapport à l'art est souvent de l'ordre du divertissement : nous allons au cinéma pour passer une bonne soirée, nous écoutons de la musique pour danser et nous amuser, etc. Mais le divertissement n'est pas le propre de l'art. L'art n'est pas le seul moyen de divertissement, le tournoi de Roland Garos, le ski nautique, le whisky sont aussi des divertissements très efficaces.

  • Le message. L'art engagé et l'art religieux sont de bons exemples de la fonction de message de l'art. L'art a l'avantage sur les autres moyens de communication de frapper l'imagination, de mobiliser le corps, et par conséquent de donner plus de force au message. Pourtant, tout l'art n'a pas pour fonction de transmettre un message : une symphonie, par exemple, ne transmet pas un message au sens usuel du terme.

  • L'imitation. L'art peut reproduire la réalité. Selon une légende, le peintre Zeuxis avait si bien imité des raisins que les oiseaux venaient picorer son tableau. Selon Aristote, l'art répond à notre besoin d'imitation : l'homme est un animal imitateur, l'enfant apprend à parler et à agir en imitant les adultes, il prend plaisir à cet apprentissage parce qu'il suit son instinct imitateur. L'art est l'activité qui développe cet instinct d'imitation. Mais tout l'art ne peut pas se résumer à l'imitation : qu'est-ce que la musique imite ? Qu'est-ce que l'art abstrait imite ?

  • L'expression. L'art permet d'exprimer, c'est à dire d'extérioriser dans la matière ce qui est dans l'esprit, ou, autrement dit, de rendre objectif ce qui est subjectif. Mais l'expression artistique doit être distinguée de l' épanchement : l'épanchement consiste à exprimer ses sentiments pour les communiquer, pour dire ce que l'on ressent, mais l'expression artistique n'est pas une simple communication, c'est une façon de partager les émotions en les faisant éprouver aux autres. L'artiste ne cherche pas à exprimer seulement quelque chose de personnel, mais plutôt quelque chose d'universel, un sentiment partagé par tous à travers l'oeuvre.
    "Éveiller l'âme : tel est, dit-on, le but final de l'art, tel est l'effet qu'il doit chercher à obtenir.(…) Il nous procure, d'une part, l'expérience de la vie réelle, nous transporte dans des situations que notre expérience personnelle ne nous fait pas, et ne nous fera peut-être jamais connaître : les expériences des personnes qu'il représente, et, grâce à la part que nous prenons à ce qui arrive à ces personnes, nous devenons capables de ressentir plus profondément ce qui se passe en nous-mêmes. D'une façon générale, le but de l'art consiste à rendre accessible à l'intuition ce qui existe dans l'esprit humain, la vérité que l'homme abrite dans son esprit, ce qui remue la poitrine humaine et agite l'esprit humain. (…) Nous voyons ainsi que l'art agit en remuant, dans leur profondeur, leur richesse et leur variété, tous les sentiments qui s'agitent dans l'âme humaine, et en intégrant dans le champ de notre expérience ce qui se passe dans les régions intimes de cette âme. « Rien de ce qui est humain ne m'est étranger » : telle est la devise qu'on peut appliquer à l'art".
    Hegel, Esthétique (1832), Introduction

  • La connaissance. Les artistes nous apprennent à être sensible à des aspects de la réalité qui passent inaperçus dans notre vie quotidienne. Oscar Wilde dit que si Turner n'avait pas peint de couchers de soleils, nous ne serions pas capables de trouver cela beau aujourd'hui. Avant que Turner ait peint des couchers de soleil, les gens regardaient le coucher de soleil mais ils n’en voyaient pas la beauté. L'art nous fait éprouver des sensations et des émotions pour nous apprendre à sentir des aspects de la réalité. Il ne nous instruit pas à la manière d'une leçon théorique, mais en nous donnant directement l'exemple d'un aspect de la vie ou de la réalité : une mélodie va donner l'exemple d'une certaine joie, un tableau va donner l'exemple d'une certaine luminosité, un film va nous montrer l'exemple d'un certain type de relation humaine, etc. C'est pourquoi selon Nelson Goodman, les œuvres d'art sont des symboles, c'est à dire des signes qui indiquent quelque chose, mais elles n'indiquent pas des objets comme le mot « arbre » indique des arbres, elles indiquent plutôt des aspects en étant elles mêmes des exemples de ces aspects.
    C'est à travers les sensations et les émotions provoquées par l'oeuvre d'art que nous découvrons de nouveaux aspects de la réalité. Cela explique ce qui caractérise les émotions esthétiques, ce sont les mêmes émotions que celles ressenties en d'autres occasions, mais elles n'ont pas la même fonction : au lieu d'être simplement ressenties par réaction aux événements qui nous affectent, elles sont ressenties pour découvrir des aspects de la réalité. Ainsi, selon Nelson Goodman : « dans l'expérience esthétique, les émotions fonctionnent cognitivement (...) Dans l'expérience esthétique, l'émotion est un moyen de discerner quelles propriétés une oeuvre possède et exprime. » Tous les types d'émotions provoqués par les œuvres d'art nous apprennent quelque chose : « L'horreur et la révulsion que nous pouvons ressentir devant Macbeth, ne sont pas de moindres moyens de comprendre que l'amusement et la délectation que nous pouvons trouver à Pygmalion. » (Nelson Goodman, Les langages de l'art).

  1. La création artistique

On distingue la création artistique de la production et de la performance technique. On considère par exemple que le musicien n'est pas seulement celui qui sait faire des gammes, mais celui qui sait composer ou interpréter des thèmes musicaux. La création artistique met en œuvre un talent spécial. Cela pose la question du talent ou du « don artistique : faut-il avoir un don spécial pour être un artiste ?
Il est certain qu'on ne s'improvise pas artiste du jour au lendemain. Mais le talent artistiques est-il un don naturel ou le résultat d'un travail ?





Mozart est un génie incontesté, il a composé ses premières œuvres à l'âge de six ans, ce qui semble attester d'un don naturel.


Selon la thèse innéiste, l'artiste met en œuvre un talent qu'on peut appeler le « génie ». Selon Kant, le génie a trois caractérisiques essentielles :

1. c'est le talent de produire une œuvre originale

2. la production du génie sert de modèle, par conséquent il donne ses règles à l'art

3. c'est un talent naturel, inné, il ne suit pas de méthode et ne peut donc pas communiquer « les préceptes qui les mettent en état d'accomplir de semblables productions ».


La critique de la thèse innéiste soutient que le travail est une condition suffisante pour développer un talent artistique. Selon Nietzsche, le génie artistique n'est pas différent du talent d'un mécanicien : c'est le résultat d'un travail approfondi. Le génie serait donc acquis et non inné.

 "Comme nous avons bonne opinion de nous-mêmes, mais sans aller jusqu'à nous attendre à jamais pouvoir faire même l'ébauche d'une toile de Raphaël ou une scène comparable à celles d'un drame de Shakespeare, nous nous persuadons que pareilles facultés tiennent d'un prodige vraiment au-dessus de la moyenne, représentent un hasard extrêmement rare, ou, si nous avons encore des sentiments religieux, une grâce d'en haut. C'est ainsi notre vanité, notre amour-propre qui nous poussent au culte du génie : car il nous faut l'imaginer très loin de nous, en vrai miraculum, pour qu'il ne nous blesse pas (même Goethe, l'homme sans envie, appelait Shakespeare son étoile des altitudes les plus reculées ; on se rappellera ce vers : « Les étoiles, on ne les désire pas »). Mais, compte non tenu de ces insinuations de notre vanité, l'activité du génie ne paraît vraiment pas quelque chose de foncièrement différent de l'activité de l'inventeur mécanicien, du savant astronome ou historien, du maître en tactique ; toutes ces activités s'expliquent si l'on se représente des hommes dont la pensée s'exerce dans une seule direction, à qui toutes choses servent de matière, qui observent toujours avec la même diligence leur vie intérieure et celle des autres, qui voient partout des modèles, des incitations, qui ne se lassent pas de combiner leurs moyens. Le génie ne fait rien non plus que d'apprendre d'abord à poser des pierres, puis à bâtir, que de chercher toujours des matériaux et de toujours les travailler; toute activité de l'homme est une merveille de complication, pas seulement celle du génie : mais aucune n'est un « miracle ».
NietzscheHumain, trop humain 



  1. La réception des œuvres d'art

Voici des oeuvres d'art qui ont été controversées lors de leur réception, les controverses tournaient autour de deux questions : s'agit-il d’œuvres d'art? Ont-elles de la valeur?




"Déjeuner sur l'herbe" (1863), Manet




"Fontaine" (1917), Marcel Duchamp





"Balloon dog" (1994- 2000), Jeff Koons



Bien que l'on puisse s'y connaître en art, on peut se demander ce que l'on connaît précisément à part l'histoire de l'art et des artistes. Peut-on savoir ce qu'est l'art et ce qui fait la valeur d'une œuvre d'art ? Tout le monde n'est pas d'accord sur ce qui est de l'art ou pas. Par exemple, une œuvre comme « Fontaine » de Marcel Duchamp divise les avis : est-ce de l'art ou non ?

Même lorsqu'une œuvre est considérée comme artistique, elle n'est pas toujours appréciée de la même façon selon les goûts. On peut donc se demander si la réception et l'évaluation des œuvres d'art est arbitraire, si elle est déterminée par la sensibilité de chacun, par des facteurs sociologiques et si elle peut être objective.

Les jugements exprimés à propos des oevres d'art sont des « jugements de goût » : (def.) jugement qui attribue un prédicat esthétique (beau, élégant, grâcieux, laid, etc). On peut se demander si ces jugements de goût sont entièrement subjectifs (est-ce qu'ils ne font qu'exprimer un plaisir personnel) ou si ils ont une part d'objectivité. Comme le fait remarquer Kant, même si le jugement de goût dépend de nos réactions subjectives à un objet, il est difficile de considérer que le jugement de goût est une affaire purement personnelle. C'est pourquoi Kant distingue le beau (qui peut être considéré comme universel) et l'agréable (qui est particulier) :

« Pour ce qui est de l'agréable chacun se résigne ce que son jugement, fondé sur un sentiment individuel, par lequel il affirme qu'un objet lui plaît, soit restreint à sa seule personne. Il admet donc quand il dit : le vin des Canaries est agréable, qu'un autre corrige l'expression et lui rappelle qu'il doit dire : il m'est agréable ; il en est ainsi non seulement pour le goût de la langue, du palais et du gosier, mais aussi pour ce qui plaît aux yeux et aux oreilles de chacun. L'un trouve la couleur violette douce et aimable, un autre la trouve morte et terne ; l'un préfère le son des instruments à vent, l'autre celui des instruments cordes. Discuter à ce propos pour accuser d'erreur le jugement d'autrui, qui diffère du nôtre, comme s'il s'opposait à lui logiquement, ce serait folie ; au point de vue de l'agréable, il faut admettre le principe : à chacun son goût (il s'agit du goût des sens).
    Il en va tout autrement du beau. Car il serait tout au contraire ridicule qu'un homme qui se piquerait de quelque goût, pensât justifier ses prétention en disant : cet objet (l'édifice que nous voyons, le vêtement qu'un tel porte, le concert que nous entendons, le poème que l'on soumet à notre jugement) est beau pour moi. Car il ne suffit pas qu'une chose lui plaise pour qu'il ait le droit de l'appeler belle ; beaucoup de choses peuvent avoir pour lui du charme et de l'agrément, personne ne s'en soucie mais quand il donne une chose pour belle, il prétend trouver la même satisfaction en autrui ; il ne juge pas seulement pour lui mais pour tous et parle alors de la beauté comme si elle était une propriété d’objets ; il dit donc : la chose est belle, et s'il compte sur l'accord des autres avec son jugement de satisfaction, ce n'est pas qu'il ait constaté diverses reprises cet accord mais c'est qu'il l'exige. Il blâme s'ils jugent autrement, il leur dénie le goût tout en demandant qu'ils en aient ; et ainsi on ne peut pas dire : chacun son goût. Cela reviendrait à dire : il n'y a pas de goût, c'est-à-dire pas de jugement esthétique qui puisse légitimement prétendre l'assentiment universel. »

KantCritique de la faculté de juger,


Est-ce que la prétention du jugement de goût à pouvoir être partagé par tous est justifiée ? Est-ce une illusion ? Bien que cette question dépasse le cadre de l'art, elle est capitale pour comprendre notre rapport à l'art : la réception d'une œuvre est déterminé par le goût de l'observateur. Le goût est ambigü : est-il relatif à l'individu, à une société, ou y a-t-il un goût universel ?




La thèse relativiste soutient que le goût dépend de la sensibilité d'un individu ou des critères partagés par un groupe.

Thèse relativiste :

1) Les jugements de goût expriment un état subjectif (un sentiment) et non une propriété objective.
2) Ils ne peuvent pas être considérés comme vrais ou faux puisqu’ils ne représentent aucun fait qui permettrait de les vérifier.
3) Les jugements sont relatifs à la sensibilité de chacun.

+ (4) (relativisme social) La sensibilité est déterminée par la condition sociale.


Dans La distinction, Pierre Bourdieu montre les déterminations sociales du jugement de goût. Selon lui, le goût est relatif au style de vie partagé par un groupe de même niveau économique et ayant les mêmes références culturelles. Un des nombreux exemples qu'il utilise pour démontrer cette thèse est la comparaison entre les façons dont les individus jugent cette photo selon le milieu social dont ils sont issus :


Russell Lee, « The family of man ».

Les individus issus des classes les plus démunies n'émettent pas de jugements esthétiques, ils font des remarques plus terre à terre : « La grand mère, elle a dû travailler dur, on dirait qu'elle a des rhumatismes. (...) » (Ouvrier, Paris). Au fur et à mesure que l'on monte dans la hiérarchie sociale (économique et culturelle), les jugements se font de plus en plus esthétiques et considèrent les mains comme des symboles plutôt que comme des choses concrètes : « On dirait que ça a été un tableau qui a été photographié (…) ; en tableau ça doit être drôlement beau » (Employé, province) ; « Ce sont les mains des premiers tableaux de Van Gogh, une vieille paysanne ou les mangeurs de pomme de terre. » (Cadre moyen, Paris) ; « Ces deux mains évoquent indiscutablement une vieillesse pauvre, malheureuse. » (Professeur, province). Le jugement de goût semble donc bien déterminé par la condition sociale.

Mais si le jugement est différent selon la condition social, cela ne signifie pas forcément qu'il n'y a pas de jugement objectif possible. Cela signifie seulement que la façon de réagir à une œuvre d'art est déterminée par l'origine sociale. Selon la thèse réaliste, il y a néanmoins des propriétés esthétiques objectives qui peuvent être observées.

Thèse réaliste :

1) Certains objets ont une des propriétés esthétiques qui causent des plaisirs et des douleurs caractéristiques.
2) Les jugements de goût se réfèrent à ces propriétés.
3) Les jugements de goût ne sont donc pas forcément subjectifs et relatifs.

Mais qui est capable de détecter ces propriétés esthétiques ? Qui est plus apte à fixer la norme du goût ? Selon Hume, la norme du goût est fixée par les critiques. Les critiques n'instaurent pas les normes de façon arbitraire, ils se rapprochent tant que possible du « critique idéal ». Le critique idéal a :

- De la « délicatesse » : il sait percevoir des nuances fines de sensations et de sentiments.
- De la pratique : il connaît bien un ou plusieurs arts.
- Il est capable de comparer les œuvres entre elles.
- Il est « clarifié de tout préjugé ».

Le critique idéal est celui qui juge comme tout le monde devrait jugé s'il avait les sens et le jugement suffisamment développés. Hume suppose qu'il y a une nature humaine commune, c'est à dire une similarité suffisante entre les différents êtres humains pour qu'une norme du goût soit possible.


Enfin, si l'idée de propriétés esthétiques réelles pose problème (quelle serait leur nature?) une réponse à la question de l'objectivité du goût qui n'est ni réaliste ni relativiste a été proposée par Kant. Kant soutient que le jugement de goût est subjectif mais qu'il peut prétendre être valable universellement. Dire « c'est beau » n'est pas simplement exprimer un plaisir personnel (« ça me plait »), c'est plutôt exprimer une jugement produit par une faculté de juger commune à l'humanité. On peut alors supposer que tout homme mis dans les mêmes conditions aurait pu faire le même jugement. Mais y a-t-il une telle faculté de juger commune à l'humanité ?

mardi 11 mars 2014

Bibliographie 

Voici une liste non exhaustive de livres de philosophie plutôt faciles à lire.





AuteurTitreDescription
Des grands classiques accessiblesAntiquité
Platon
Apologie de Socrate
Sur le procès de Socrate et le rôle du philosophe dans la société.
EpictèteManuel
Sur l'éthique stoïcienne : comment devenir maître de soi ?
EpicureLettre à Ménécée
Sur l'éthique épicurienne : quelle est la meilleure façon de se faire plaisir ?
Périodes moderne et contemporaineDescartesMéditations métaphysiques (1 et 2e méditations)
Sur la connaissance : de quoi peut-on être certain ?
PascalPensées
Sur la religion : que peut apporter la foi religieuse ?
MarxManifeste du parti communiste
Sur les rapports entre l'économie et la politique : comment le capitalisme a-t-il façonné notre monde ? Faut-il l'accepter ?
JamesLe pragmatisme
Quelles sont l'utilité de la philosophie et de la connaissance en général ?
RussellProblèmes de philosophie
Sur la connaissance : comment acquérons-nous nos connaissances générales ?
FreudMalaise dans la civilisation
Sur la culture : comment la culture canalise-t-elle nos instincts ?
SartreL'existentialisme est un humanisme
Sur la liberté : qu'est-ce que choisir sa vie ?
Introductions généralesNagelQu'est-ce que tout cela veut dire.
Excellente introduction aux grands problèmes généraux de la philosophie.
BlackburnPenser ! Une irrésistible introductions à la philosophie
Excellente introduction aussi, plus longue, présentant les problèmes généraux de la philosophie et les idées de grands philosophes.
FerretLa leçon de choses
Introduction très accessible qui donne de très bons exemples de réflexions philosophiques.
BaillargeonStéroïdes pour comprendre la philosophie
Excellente introduction qui couvre presque tout le programme de terminale et qui présente les références classiques
Comte-SponvillePrésentations de la philosophie
Une bonne introduction, facile d'accès, à des grands thèmes de la philosophie.
De Saint-MauricePhilosophie en séries
Présentations des thèmes du programme de terminale à partir des séries télé.
Histoires de la philosophieChâteletUne histoire de la raison
Brève histoire présentant des grands philosophes occidentaux.
RevelHistoire de la philosophie occidentale
Histoire plus détaillée de la philosophie occidentale (qui fait malheureusement l'impasse sur le moyen-âge)
HadotQu'est-ce que la philosophie antique ?
Histoire des grandes écoles de philosophie antique, montrant le rapport entre chaque théorie et la manière de vivre qui l'accompagne.
Sous la direction de PradeauHistoire de la philosophie
Présentation des grands philosophes occidentaux par des spécialistes, ouvrage détaillé mais accessible.

jeudi 12 septembre 2013

Définir et distinguer



Le travail de définition et de distinction des concepts est une part essentielle de la réflexion philosophique. Vous trouverez quelques mots sur la nature des concepts, sur leurs caractéristiques, puis une méthode et des exercices pour les définir et les distinguer. 
Vous n'avez pas à apprendre tout, mais devez savoir ce que sont l'extension et la compréhension, le rapport entre genre et espèce, ainsi que ce que sont des conditions nécessaires et des conditions suffisantes et vous devez faire les exercices.


    I. Les concepts

      I.1. Qu'est-ce qu'un concept ?
Nous devons dire quelques mots sur les concepts avant d'expliquer en en quoi consiste le travail de définition et de distinction.

Un concept est : (def.) le plus petit élément d'un jugement. Dans ce sens, les concepts sont comme les atomes de la pensée. Une pensée est une combinaison de concepts.

Un concept identifie un type de choses. Nos concepts nous permettent de classer les choses en les regroupant selon les propriétés qu'elles possèdent en commun.

On s'est très tôt demandé si les concepts sont des entités purement mentales ou des aspects des choses :


« En ce qui concerne les genres et les espèces : subsistent-ils en eux-mêmes ou ne sont-ils contenus que dans les pures conceptions intellectuelles, sont-ils des substances corporelles ou incorporelles ; sont-ils séparés enfin des choses sensibles ou y sont-ils impliqués, y trouvant leur circonstance? Je me garderai de le préciser; c'est un problème très difficile nécessitant des recherches approfondies. »
Porphyre, Isagogè


Trois grandes positions philosophiques se sont disputées par rapport à ce problème appelé la « querelle des universaux » :

  1. Le nominalisme : les concepts généraux ne sont que les façons dont nous utilisons les mots. Si le nominalisme a raison, les définitions servent à se mettre d'accord sur les mots. Elles permettent donc de se mettre d'accord sur ce que l'on dit et de dissiper les malentendus et de « construire » des essences artificielles pour nos théories.

  2. Le conceptualisme : les concepts généraux existent dans notre esprit. Si le conceptualisme a raison, les définitions servent mettre de l'ordre dans nos pensées et de s'accorder avec la structure de notre esprit.

  1. Le réalisme : les concepts généraux renvoient à des propriétés réelles des choses. Si le réalisme a raison, les définitions énoncent l'essence des choses.


      I.2. Compréhension et extension

Les concepts se définissent par leur extension et par leur compréhension :

L'extension est : (def.) l'ensemble des choses auxquelles le concept s'applique. Définir le concept d'homme en extension, c'est faire la liste de tous les êtres humains : {Pierre, Marion, Paul, Gérard, Julie, etc.}

La compréhension est : (def.) l'ensemble des propriétés que possèdent en commun les choses auxquelles le concept s'applique. Définir le concept de célibataire, c'est énoncer les propriétés caractéristiques des célibataires : êtres humains non-mariés.


    1. I.3. Genres et espèces

Les concepts entretiennent des liens logiques, ils sont organisés dans des classifications. Pour classer les concepts, on parle de « genres » et d' « espèces ». Un genre est un concept dont l'extension est plus grande et la compréhension plus simple. Une espèce est un concept dont l'extension est contenue dans l'extension d'un genre et dont la compréhension est plus complexe.

Par exemple :
Genre
Espèce
Arbre
Véhicule
Chêne, Tilleul, Cerisier, etc.
Vélo, Train, Voiture, etc.


  1. II. Comment définir et distinguer les concepts ?


Une définition bien formée obéit à trois règles1 :

  1. non-circularité : le terme défini n'entre pas dans la définition

  2. adéquation extensionnelle : la définition correspond à toutes les choses auxquelles le terme défini s'applique et uniquement à l'ensemble de ces choses

  3. adéquation intensionnelle : la définition doit énoncer les propriétés caractéristiques de la chose définie


      II.1. Par genre commun et différence spécifique


Selon Aristote, la définition doit donner le genre commun et la différence spécifique. Pour définir un terme, il faut donc procéder en deux temps :

  1. Remonter au genre auquel il appartient, c'est à dire au concept d'extension supérieure.
Par exemple :
Concept de départ
Genre
Table
Évolution
Action
Meuble
Transformation
Mouvement


  1. Énoncer la propriété qui caractérise l'espèce et qui délimite l'extension du concept aux seules choses qui possèdent cette propriété.

Par exemple :
Concept de départ
Genre
Différence spécifique
Table


Evolution

Action
Meuble...


Transformation...

Mouvement...
consistant en un plateau soutenu par plusieurs pieds

graduelle

volontaire



Une distinction conceptuelle montre généralement le genre commun à deux concepts et leurs différences spécifiques. Par exemple : l'opinion irréfléchie et la connaissance sont toutes les deux des croyances, mais l'opinion peut aussi bien être vraie que fausse et n'est pas justifiée tandis que la connaissance est à la fois vraie et justifiée.

On peut aussi distinguer deux concepts en montrant que l'un est une espèce de l'autre pour dissiper un amalgame. Par exemple : la superstition est une espèce de croyance basée sur une justification irrationnelle, mais toutes les croyances ne sont pas des superstitions.




Exercice 1 : trouvez le genre commun et la différence spécifique des termes « piano », « égoïsme » et « illusion »



Exercice 2 : distinguez, en montrant leurs différences spécifiques, les concepts : « pouvoir légitime / tyrannie », « liberté / licence », « opinion / connaissance ».



      II.2. Conditions nécessaires et conditions suffisantes

Un bon moyen pour trouver le genre et l'espèce qui définissent un concept est de trouver ses « conditions nécessaires » et ses « conditions suffisantes ».


        II.2.1. Conditions nécessaires


N est une condition nécessaire de P si N est vrai lorsque P est vrai.

Autrement dit : pas de P sans N.

Exemples :

Si on peut skier (P), alors il y a un sol glissant (N).

Si x est une connaissance (P), alors x est une croyance (N).


      II.II.2. Conditions suffisantes


S est une condition suffisante de P si P est vrai lorsque S est vrai.

Autrement dit : S garantit P.

Exemples :

Si la neige fond (P), alors la température est supérieure à 0°c (S).

Si x est vrai (S), alors x est une connaissance (P).



        II.II.3. Conditions nécessaires et suffisantes


C est une condition nécessaire et suffisante de P si P est vrai lorsque C est vrai et si P est faux lorsque C est faux.

Autrement dit : P si et seulement si C

Exemples :

Le quadrilataire ABCD est un losange (P) si et seulement si les diagonales de ABCD se coupent en leur milieu et sont perpendiculaire (C).

Gérard est célibataire (P) si et seulement si Gérard est un être humain et qu'il n'est pas marié (C).

x est une connaissance (P) si et seulement si x est une croyance vraie justifiée (C).



Exercice 3. Dites si l'expression C entre crochets est une condition nécessaire, suffisante, nécessaire et suffisante ou ni nécessaire ni suffisante.

  1. [S'il pleut] (C), alors l'herbe est mouillée.
  2. Pour être électeur, il faut [avoir 18 ans] (C).
  3. Le résultat de l'opération est juste si et seulement s'[il est égal à 4] (C).
  4. Pour être libre, [il faut être responsable de ce que l'on fait] (C).
  5. [Si un acte réalise un choix] (C), alors cet acte est libre.







1Engel et Dutant, Philosophie de la connaissance, Vrin

mercredi 11 septembre 2013

Problématiser


Les sujets de dissertation sont formulés sous la forme de questions. À elles seules, ces questions ne sont pas des problématiques. Le problématique est un développement qui explique pourquoi la question se pose, elle consiste à formuler le problème posé par le sujet.


  1. Un problème conceptuel
Un problème philosophique est une difficulté posée par des concepts abstraits : soit un concept est obscur et il faut le clarifier en le définissant par d'autres concepts, soit le lien entre deux concepts n'est pas clair et il faut clarifier ce lien.

Ici il faut bien comprendre qu'un concept n'est pas qu'un mot abstrait. Il ne faut pas considérer qu'un problème philosophique est simplement un problème de mots et qu'il suffit de définir les mots du sujet pour faire apparaître le problème.


  1. Une aporie
Un problème philosophique est vécu comme un embarras intellectuel, il s'agit d'une difficulté à comprendre un lien entre nos idées ou simplement à manquer d'idées pour répondre à une question. Poser un problème suppose donc de reconnaître que nous ne pouvons pas répondre immédiatement, que nous ignorons d'abord la réponse. Aristote dit qu'« apercevoir une difficulté et s'étonner, c'est reconnaître sa propre ignorance ».

Cette confusion doit être exprimée à travers une aporie : (def.) deux opinions incompatibles et aussi bien justifiées l'une que l'autre pour répondre à une question.

Dans une dissertation, la problématique doit formuler une aporie.


  1. Le présupposé du sujet
Un sujet de dissertation est une phrase interrogative qui met une thèse en question, elle présuppose donc que cette thèse qui doit être prise en compte et elle présuppose en même temps qu'elle n'est pas non plus suffisante (sinon elle ne serait pas mise en question) et qu'il faut proposer une autre thèse incompatible.

Par exemple « Suffit-il de se sentir libre pour être libre ? » met en question la proposition « Il suffit de se sentir libre pour être libre. ». Elle présuppose que le sentiment de liberté est une part importante (peut être nécessaire) de la liberté ou de l'idée que l'on a spontanément de la liberté et elle présuppose en même temps qu' « il ne suffit pas de se sentir libre pour être libre ».


  1. Exercice

Cherchez le présupposé et l'aporie qui correspondent à chacun de ces sujets :

  1. Sommes-nous toujours libres dans nos décisions ?
  1. Naît-on libre ou le devient-on ?
  1. Avons-nous un destin ?


dimanche 12 mai 2013

Les médias et la crédulité

Voilà une interview du sociologue Gérald Bronner sur la façon dont les médias renforcent la crédulité. Ce ne sont pas les médias qui nous manipulent mais ils nous livrent tant d'informations que nous pouvons piocher librement ce qui renforce nos croyances : http://www.youtube.com/watch?v=Fai3tv3y87w.

mardi 23 avril 2013


Texte de Durkheim étudié dans le cours sur la société


[La société] est, pour les consciences individuelles, un objectif transcendant. En effet, elle déborde l’individu de toutes parts. Elle le dépasse matériellement, puisqu’elle résulte de la coalition de toutes les forces individuelles. Mais, à elle seule, cette grandeur serait insuffisante. L’univers, lui aussi, dépasse l’individu, l’écrase de son énormité, et pourtant l’univers n’est pas moral. Seulement, la société est autre chose qu’une puissance matérielle ; c’est une grande puissance morale. Elle nous dépasse, non pas seulement physiquement, mais matériellement et moralement. (…) la civilisation, c’est l’ensemble de tous les biens auxquels nous attachons le plus grand prix ; c’est l’ensemble de toutes les plus hautes valeurs humaines. Parce que la société est à la fois la source et la gardienne de la civilisation, parce qu’elle est le canal par lequel la civilisation parvient jusqu’à nous, elle nous apparaît donc comme une réalité infiniment plus riche, plus haute que la nôtre, une réalité d’où nous vient tout ce qui compte à nos yeux, et qui pourtant nous dépasse de tous les côtés puisque de ces richesses intellectuelles dont elle a le dépôt, quelques parcelles seulement parviennent jusqu’à chacun de nous. Et plus nous avançons dans l’histoire, plus la civilisation devient une chose énorme et complexe ; plus par conséquent elle déborde les consciences individuelles, plus l’individu sent la société comme transcendante par rapport à lui. Chacun des membres d’une tribu australienne porte en lui l’intégralité de sa civilisation tribale ; de notre civilisation actuelle, chacun de nous ne parvient à intégrer qu’une faible part.

Mais nous en intégrons toujours quelque part en nous. Et ainsi, en même temps qu’elle est transcendante, par rapport à nous, la société nous est immanente et la sentons comme telle. En même temps qu’elle nous dépasse, elle nous est intérieure, puisqu’elle ne peut vivre qu’en nous et par nous. Ou plutôt elle est nous-même, en un sens, et la meilleure partie de nous-même, puisque l’homme n’est un homme que dans la mesure où il est civilisé. Ce qui fait vraiment de nous un être humain, c’est que nous parvenons à nous assimiler de cet ensemble d’idées, de sentiments, de croyances, de préceptes de conduites que l’on appelle la civilisation. (…) Abandonné à lui-même, l’individu tomberait sous la dépendance des forces physiques ; s’il a pu y échapper, s’il a pu s’affranchir, se faire une personnalité, c’est qu’il a pu se mettre à l’abri d’une force sui generis, force intense, puisqu’elle résulte de la coalition de toutes les forces individuelles, mais force intelligente et morale, capable, par conséquent, de neutraliser les énergies inintelligentes et amorales de la nature : c’est une force collective. Permis au théoricien de démontrer que l’homme a droit à la liberté ; mais quelle que soit la valeur de ces démonstrations, ce qui est certain, c’est que cette liberté n’est devenue une réalité que dans et par la société.

                                                                            Durkheim, Sociologie et philosophie, Ch.II.