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Philosophie
samedi 7 juin 2014
vendredi 6 juin 2014
L'art
L'art
est l'activité de production d’œuvres destinées à donner des
émotions esthétiques. Si la culture est le développement des
capacités humaines, l'art est la partie de la culture qui développe
la sensibilité. La sensibilité est la capacité d'être affecté
par des sensations et des émotions. La sensibilité à l'état brut
est centrée autour des besoins immédiatement utiles à le
préservation de l'espèce : manger, boire, dormir, se
reproduire, fuir le danger, etc. Mais la culture développe la
sensibilité au delà de la pure et simple réponse à ces besoins de
base. Par exemple, on ne se contente pas de manger pour se nourrir, on développe
une sensibilité culinaire et on cherche des plats plus raffinés que
les racines et la viande crue. L'art peut être vu comme la production d’œuvres destinées à satisfaire notre sensibilité. Une oeuvre d'art visuelle apporte une certaine satisfaction par les qualités qu'elle offre à a vue par exemple.
Mais quelle est la nature de cette satisfaction? Toutes les œuvres d'art s'adressent-elles à notre sensibilité de la même façon? Y a-t-il quelque chose de commun dans ce que nous apportent des œuvres aussi différentes que :
et
?
- Pourquoi fait-on de l'art ?
L'art
n'est pas utilitaire : au contraire, les œuvres d'art sont
soigneusement écartées des objets utilitaires. On les met dans des
musées, dans des salles de théâtre, de concert, etc pour bien
marquer cette séparation. Mais alors, si l'art n'est pas utilitaire,
pourquoi fait-on de l'art ? Qu'est-ce que l'art apporte à la
vie ?
On
peut donner plusieurs réponses à cette question :
- Le plaisir. L'art nous fait éprouver un plaisir « esthétique », c'est à dire un plaisir dû à la contemplation d'un objet. Le plaisir esthétique se caractérise par une certaine indépendance vis à vis de nos désirs : ce n'est pas la satisfaction d'un désir à travers la consommation d'un objet ou l'action sur quelque chose, le plaisir esthétique consiste plutôt à contempler.
- Le divertissement. On peut considérer l'art comme un moyen d'oublier nos soucis, de fuir le quotidien pour un moment. Dans ce sens, l'art est une parenthèse agréable. Le mot « divertissement » exprime bien cela : il s'agit de se détourner des problèmes de la vie réelle à travers une création imaginaire. Notre rapport à l'art est souvent de l'ordre du divertissement : nous allons au cinéma pour passer une bonne soirée, nous écoutons de la musique pour danser et nous amuser, etc. Mais le divertissement n'est pas le propre de l'art. L'art n'est pas le seul moyen de divertissement, le tournoi de Roland Garos, le ski nautique, le whisky sont aussi des divertissements très efficaces.
- Le message. L'art engagé et l'art religieux sont de bons exemples de la fonction de message de l'art. L'art a l'avantage sur les autres moyens de communication de frapper l'imagination, de mobiliser le corps, et par conséquent de donner plus de force au message. Pourtant, tout l'art n'a pas pour fonction de transmettre un message : une symphonie, par exemple, ne transmet pas un message au sens usuel du terme.
- L'imitation. L'art peut reproduire la réalité. Selon une légende, le peintre Zeuxis avait si bien imité des raisins que les oiseaux venaient picorer son tableau. Selon Aristote, l'art répond à notre besoin d'imitation : l'homme est un animal imitateur, l'enfant apprend à parler et à agir en imitant les adultes, il prend plaisir à cet apprentissage parce qu'il suit son instinct imitateur. L'art est l'activité qui développe cet instinct d'imitation. Mais tout l'art ne peut pas se résumer à l'imitation : qu'est-ce que la musique imite ? Qu'est-ce que l'art abstrait imite ?
- L'expression. L'art permet d'exprimer, c'est à dire d'extérioriser dans la matière ce qui est dans l'esprit, ou, autrement dit, de rendre objectif ce qui est subjectif. Mais l'expression artistique doit être distinguée de l' épanchement : l'épanchement consiste à exprimer ses sentiments pour les communiquer, pour dire ce que l'on ressent, mais l'expression artistique n'est pas une simple communication, c'est une façon de partager les émotions en les faisant éprouver aux autres. L'artiste ne cherche pas à exprimer seulement quelque chose de personnel, mais plutôt quelque chose d'universel, un sentiment partagé par tous à travers l'oeuvre."Éveiller l'âme : tel est, dit-on, le but final de l'art, tel est l'effet qu'il doit chercher à obtenir.(…) Il nous procure, d'une part, l'expérience de la vie réelle, nous transporte dans des situations que notre expérience personnelle ne nous fait pas, et ne nous fera peut-être jamais connaître : les expériences des personnes qu'il représente, et, grâce à la part que nous prenons à ce qui arrive à ces personnes, nous devenons capables de ressentir plus profondément ce qui se passe en nous-mêmes. D'une façon générale, le but de l'art consiste à rendre accessible à l'intuition ce qui existe dans l'esprit humain, la vérité que l'homme abrite dans son esprit, ce qui remue la poitrine humaine et agite l'esprit humain. (…) Nous voyons ainsi que l'art agit en remuant, dans leur profondeur, leur richesse et leur variété, tous les sentiments qui s'agitent dans l'âme humaine, et en intégrant dans le champ de notre expérience ce qui se passe dans les régions intimes de cette âme. « Rien de ce qui est humain ne m'est étranger » : telle est la devise qu'on peut appliquer à l'art".Hegel, Esthétique (1832), Introduction
- La connaissance. Les artistes nous apprennent à être sensible à des aspects de la réalité qui passent inaperçus dans notre vie quotidienne. Oscar Wilde dit que si Turner n'avait pas peint de couchers de soleils, nous ne serions pas capables de trouver cela beau aujourd'hui. Avant que Turner ait peint des couchers de soleil, les gens regardaient le coucher de soleil mais ils n’en voyaient pas la beauté. L'art nous fait éprouver des sensations et des émotions pour nous apprendre à sentir des aspects de la réalité. Il ne nous instruit pas à la manière d'une leçon théorique, mais en nous donnant directement l'exemple d'un aspect de la vie ou de la réalité : une mélodie va donner l'exemple d'une certaine joie, un tableau va donner l'exemple d'une certaine luminosité, un film va nous montrer l'exemple d'un certain type de relation humaine, etc. C'est pourquoi selon Nelson Goodman, les œuvres d'art sont des symboles, c'est à dire des signes qui indiquent quelque chose, mais elles n'indiquent pas des objets comme le mot « arbre » indique des arbres, elles indiquent plutôt des aspects en étant elles mêmes des exemples de ces aspects.C'est à travers les sensations et les émotions provoquées par l'oeuvre d'art que nous découvrons de nouveaux aspects de la réalité. Cela explique ce qui caractérise les émotions esthétiques, ce sont les mêmes émotions que celles ressenties en d'autres occasions, mais elles n'ont pas la même fonction : au lieu d'être simplement ressenties par réaction aux événements qui nous affectent, elles sont ressenties pour découvrir des aspects de la réalité. Ainsi, selon Nelson Goodman : « dans l'expérience esthétique, les émotions fonctionnent cognitivement (...) Dans l'expérience esthétique, l'émotion est un moyen de discerner quelles propriétés une oeuvre possède et exprime. » Tous les types d'émotions provoqués par les œuvres d'art nous apprennent quelque chose : « L'horreur et la révulsion que nous pouvons ressentir devant Macbeth, ne sont pas de moindres moyens de comprendre que l'amusement et la délectation que nous pouvons trouver à Pygmalion. » (Nelson Goodman, Les langages de l'art).
- La création artistique
On
distingue la création artistique de la production et de la
performance technique. On considère par exemple que le musicien
n'est pas seulement celui qui sait faire des gammes, mais celui qui
sait composer ou interpréter des thèmes musicaux. La création
artistique met en œuvre un talent spécial. Cela pose la question du
talent ou du « don artistique : faut-il avoir un don
spécial pour être un artiste ?
Il
est certain qu'on ne s'improvise pas artiste du jour au lendemain.
Mais le talent artistiques est-il un don naturel ou le résultat d'un
travail ?
Mozart est un génie incontesté, il a composé ses premières œuvres à l'âge de six ans, ce qui semble attester d'un don naturel.
Selon
la thèse innéiste, l'artiste met en œuvre un talent qu'on peut
appeler le « génie ». Selon Kant, le génie a trois caractérisiques essentielles :
1. c'est le
talent de produire une œuvre originale
2. la production du génie sert de modèle, par conséquent il donne
ses règles à l'art
3. c'est
un talent naturel, inné, il ne suit pas de méthode et ne peut donc
pas communiquer « les préceptes qui les mettent en état
d'accomplir de semblables productions ».
La
critique de la thèse innéiste soutient que le travail est une
condition suffisante pour développer un talent artistique. Selon
Nietzsche, le génie artistique n'est pas différent du talent d'un
mécanicien : c'est le résultat d'un travail approfondi. Le
génie serait donc acquis et non inné.
"Comme
nous avons bonne opinion de nous-mêmes, mais sans aller jusqu'à
nous attendre à jamais pouvoir faire même l'ébauche d'une toile de
Raphaël ou une scène comparable à celles d'un drame de
Shakespeare, nous nous persuadons que pareilles facultés tiennent
d'un prodige vraiment au-dessus de la moyenne, représentent un
hasard extrêmement rare, ou, si nous avons encore des sentiments
religieux, une grâce d'en haut. C'est ainsi notre vanité, notre
amour-propre qui nous poussent au culte du génie : car il nous faut
l'imaginer très loin de nous, en vrai miraculum,
pour qu'il ne nous blesse pas (même Goethe, l'homme sans envie,
appelait Shakespeare son étoile des altitudes les plus reculées ;
on se rappellera ce vers : « Les étoiles, on ne les désire pas »).
Mais, compte non tenu de ces insinuations de notre vanité,
l'activité du génie ne paraît vraiment pas quelque chose de
foncièrement différent de l'activité de l'inventeur mécanicien,
du savant astronome ou historien, du maître en tactique ; toutes ces
activités s'expliquent si l'on se représente des hommes dont la
pensée s'exerce dans une seule direction, à qui toutes choses
servent de matière, qui observent toujours avec la même diligence
leur vie intérieure et celle des autres, qui voient partout des
modèles, des incitations, qui ne se lassent pas de combiner leurs
moyens. Le génie ne fait rien non plus que d'apprendre d'abord à
poser des pierres, puis à bâtir, que de chercher toujours des
matériaux et de toujours les travailler; toute activité de l'homme
est une merveille de complication, pas seulement celle du génie :
mais aucune n'est un « miracle ».
Nietzsche, Humain,
trop humain
- La réception des œuvres d'art
Voici des oeuvres d'art qui ont été controversées lors de leur réception, les controverses tournaient autour de deux questions : s'agit-il d’œuvres d'art? Ont-elles de la valeur?
"Déjeuner sur l'herbe" (1863), Manet
"Fontaine" (1917), Marcel Duchamp
"Balloon dog" (1994- 2000), Jeff Koons
Bien
que l'on puisse s'y connaître en art, on peut se demander ce que
l'on connaît précisément à part l'histoire de l'art et des
artistes. Peut-on savoir ce qu'est l'art et ce qui fait la valeur
d'une œuvre d'art ? Tout le monde n'est pas d'accord sur ce qui
est de l'art ou pas. Par exemple, une œuvre comme « Fontaine »
de Marcel Duchamp divise les avis : est-ce de l'art ou non ?
Même
lorsqu'une œuvre est considérée comme artistique, elle n'est pas
toujours appréciée de la même façon selon les goûts. On peut
donc se demander si la réception et l'évaluation des œuvres d'art
est arbitraire, si elle est déterminée par la sensibilité de
chacun, par des facteurs sociologiques et si elle peut être
objective.
Les
jugements exprimés à propos des oevres d'art sont des « jugements
de goût » : (def.) jugement qui attribue un prédicat
esthétique (beau, élégant, grâcieux, laid, etc). On peut se
demander si ces jugements de goût sont entièrement subjectifs
(est-ce qu'ils ne font qu'exprimer un plaisir personnel) ou si ils
ont une part d'objectivité. Comme le fait remarquer Kant, même si
le jugement de goût dépend de nos réactions subjectives à un
objet, il est difficile de considérer que le jugement de goût est
une affaire purement personnelle. C'est pourquoi Kant distingue le
beau (qui peut être considéré comme universel) et l'agréable (qui
est particulier) :
« Pour
ce qui est de l'agréable chacun se résigne ce que son jugement,
fondé sur un sentiment individuel, par lequel il affirme qu'un objet
lui plaît, soit restreint à sa seule personne. Il admet donc quand
il dit : le vin des Canaries est agréable, qu'un autre corrige
l'expression et lui rappelle qu'il doit dire : il m'est agréable ;
il en est ainsi non seulement pour le goût de la langue, du palais
et du gosier, mais aussi pour ce qui plaît aux yeux et aux oreilles
de chacun. L'un trouve la couleur violette douce et aimable, un autre
la trouve morte et terne ; l'un préfère le son des instruments à
vent, l'autre celui des instruments cordes. Discuter à ce propos
pour accuser d'erreur le jugement d'autrui, qui diffère du nôtre,
comme s'il s'opposait à lui logiquement, ce serait folie ; au point
de vue de l'agréable, il faut admettre le principe : à chacun son
goût (il s'agit du goût des sens).
Il
en va tout autrement du beau. Car il serait tout au contraire
ridicule qu'un homme qui se piquerait de quelque goût, pensât
justifier ses prétention en disant : cet objet (l'édifice que nous
voyons, le vêtement qu'un tel porte, le concert que nous entendons,
le poème que l'on soumet à notre jugement) est beau pour moi. Car
il ne suffit pas qu'une chose lui plaise pour qu'il ait le droit de
l'appeler belle ; beaucoup de choses peuvent avoir pour lui du charme
et de l'agrément, personne ne s'en soucie mais quand il donne une
chose pour belle, il prétend trouver la même satisfaction en autrui
; il ne juge pas seulement pour lui mais pour tous et parle alors de
la beauté comme si elle était une propriété d’objets ; il dit
donc : la chose est belle, et s'il compte sur l'accord des autres
avec son jugement de satisfaction, ce n'est pas qu'il ait constaté
diverses reprises cet accord mais c'est qu'il l'exige. Il blâme
s'ils jugent autrement, il leur dénie le goût tout en demandant
qu'ils en aient ; et ainsi on ne peut pas dire : chacun son goût.
Cela reviendrait à dire : il n'y a pas de goût, c'est-à-dire pas
de jugement esthétique qui puisse légitimement prétendre
l'assentiment universel. »
Kant, Critique
de la faculté de juger,
Est-ce
que la prétention du jugement de goût à pouvoir être partagé par
tous est justifiée ? Est-ce une illusion ? Bien que cette
question dépasse le cadre de l'art, elle est capitale pour
comprendre notre rapport à l'art : la réception d'une œuvre
est déterminé par le goût de l'observateur. Le goût est ambigü :
est-il relatif à l'individu, à une société, ou y a-t-il un goût
universel ?
La
thèse relativiste soutient que le goût dépend de la sensibilité
d'un individu ou des critères partagés par un groupe.
Thèse
relativiste :
1)
Les jugements de goût expriment un état subjectif (un sentiment) et
non une propriété objective.
2)
Ils ne peuvent pas être considérés comme vrais ou faux puisqu’ils
ne représentent aucun fait qui permettrait de les vérifier.
3)
Les jugements sont relatifs à la sensibilité de chacun.
+
(4) (relativisme social) La sensibilité est déterminée par la
condition sociale.
Dans
La
distinction,
Pierre Bourdieu montre les déterminations sociales du jugement de
goût. Selon lui, le
goût est relatif au style de vie partagé par un groupe
de même niveau économique et ayant les mêmes références
culturelles. Un des nombreux exemples qu'il utilise pour démontrer
cette thèse est la comparaison entre les façons dont les individus
jugent cette photo selon le milieu social dont ils sont issus :
Russell
Lee, « The family of man ».
Les
individus issus des classes les plus démunies n'émettent pas de
jugements esthétiques, ils font des remarques plus terre à terre :
« La grand mère, elle a dû travailler dur, on dirait qu'elle
a des rhumatismes. (...) » (Ouvrier, Paris). Au fur et à
mesure que l'on monte dans la hiérarchie sociale (économique et
culturelle), les jugements se font de plus en plus esthétiques et
considèrent les mains comme des symboles plutôt que comme des
choses concrètes : « On dirait que ça a été un tableau
qui a été photographié (…) ; en tableau ça doit être
drôlement beau » (Employé, province) ; « Ce sont
les mains des premiers tableaux de Van Gogh, une vieille paysanne ou
les mangeurs de pomme de terre. » (Cadre moyen, Paris) ;
« Ces deux mains évoquent indiscutablement une vieillesse
pauvre, malheureuse. » (Professeur, province). Le jugement de
goût semble donc bien déterminé par la condition sociale.
Mais
si le jugement est différent selon la condition social, cela ne
signifie pas forcément qu'il n'y a pas de jugement objectif
possible. Cela signifie seulement que la façon de réagir à une
œuvre d'art est déterminée par l'origine sociale. Selon la thèse
réaliste, il y a néanmoins des propriétés esthétiques objectives
qui peuvent être observées.
Thèse
réaliste :
1)
Certains objets ont une des propriétés esthétiques qui causent des
plaisirs et des douleurs caractéristiques.
2)
Les jugements de goût se réfèrent à ces propriétés.
3)
Les jugements de goût ne sont donc pas forcément subjectifs et
relatifs.
Mais
qui est capable de détecter ces propriétés esthétiques ? Qui
est plus apte à fixer la norme du goût ? Selon Hume, la norme
du goût est fixée par les critiques. Les critiques n'instaurent pas
les normes de façon arbitraire, ils se rapprochent tant que possible
du « critique idéal ». Le critique idéal a :
-
De la « délicatesse » : il sait percevoir des
nuances fines de sensations et de sentiments.
-
De la pratique : il connaît bien un ou plusieurs arts.
-
Il est capable de comparer les œuvres entre elles.
-
Il est « clarifié de tout préjugé ».
Le
critique idéal est celui qui juge comme tout le monde devrait jugé
s'il avait les sens et le jugement suffisamment développés. Hume
suppose qu'il y a une nature humaine commune, c'est à dire une
similarité suffisante entre les différents êtres humains pour
qu'une norme du goût soit possible.
Enfin,
si l'idée de propriétés esthétiques réelles pose problème
(quelle serait leur nature?) une réponse à la question de
l'objectivité du goût qui n'est ni réaliste ni relativiste a été
proposée par Kant. Kant soutient que le jugement de goût est
subjectif mais qu'il peut prétendre être valable universellement.
Dire « c'est beau » n'est pas simplement exprimer un
plaisir personnel (« ça me plait »), c'est plutôt
exprimer une jugement produit par une faculté de juger commune à
l'humanité. On peut alors supposer que tout homme mis dans les mêmes
conditions aurait pu faire le même jugement. Mais y a-t-il une telle
faculté de juger commune à l'humanité ?
mardi 11 mars 2014
Bibliographie
Voici une liste non exhaustive de livres de philosophie plutôt faciles à lire.
Voici une liste non exhaustive de livres de philosophie plutôt faciles à lire.
Auteur | Titre | Description | ||
Des grands classiques accessibles | Antiquité |
Platon
|
Apologie de Socrate
|
Sur le procès de Socrate et le rôle du philosophe dans la société.
|
Epictète | Manuel |
Sur l'éthique stoïcienne : comment devenir maître de soi ?
| ||
Epicure | Lettre à Ménécée |
Sur l'éthique épicurienne : quelle est la meilleure façon de se faire plaisir ?
| ||
Périodes moderne et contemporaine | Descartes | Méditations métaphysiques (1 et 2e méditations) |
Sur la connaissance : de quoi peut-on être certain ?
| |
Pascal | Pensées |
Sur la religion : que peut apporter la foi religieuse ?
| ||
Marx | Manifeste du parti communiste |
Sur les rapports entre l'économie et la politique : comment le capitalisme a-t-il façonné notre monde ? Faut-il l'accepter ?
| ||
James | Le pragmatisme |
Quelles sont l'utilité de la philosophie et de la connaissance en général ?
| ||
Russell | Problèmes de philosophie |
Sur la connaissance : comment acquérons-nous nos connaissances générales ?
| ||
Freud | Malaise dans la civilisation |
Sur la culture : comment la culture canalise-t-elle nos instincts ?
| ||
Sartre | L'existentialisme est un humanisme |
Sur la liberté : qu'est-ce que choisir sa vie ?
| ||
Introductions générales | Nagel | Qu'est-ce que tout cela veut dire. |
Excellente introduction aux grands problèmes généraux de la philosophie.
| |
Blackburn | Penser ! Une irrésistible introductions à la philosophie |
Excellente introduction aussi, plus longue, présentant les problèmes généraux de la philosophie et les idées de grands philosophes.
| ||
Ferret | La leçon de choses |
Introduction très accessible qui donne de très bons exemples de réflexions philosophiques.
| ||
Baillargeon | Stéroïdes pour comprendre la philosophie |
Excellente introduction qui couvre presque tout le programme de terminale et qui présente les références classiques.
| ||
Comte-Sponville | Présentations de la philosophie |
Une bonne introduction, facile d'accès, à des grands thèmes de la philosophie.
| ||
De Saint-Maurice | Philosophie en séries |
Présentations des thèmes du programme de terminale à partir des séries télé.
| ||
Histoires de la philosophie | Châtelet | Une histoire de la raison |
Brève histoire présentant des grands philosophes occidentaux.
| |
Revel | Histoire de la philosophie occidentale |
Histoire plus détaillée de la philosophie occidentale (qui fait malheureusement l'impasse sur le moyen-âge)
| ||
Hadot | Qu'est-ce que la philosophie antique ? |
Histoire des grandes écoles de philosophie antique, montrant le rapport entre chaque théorie et la manière de vivre qui l'accompagne.
| ||
Sous la direction de Pradeau | Histoire de la philosophie |
Présentation des grands philosophes occidentaux par des spécialistes, ouvrage détaillé mais accessible.
|
jeudi 12 septembre 2013
Définir
et distinguer
Le travail de définition et de distinction des concepts est une part essentielle de la réflexion philosophique. Vous trouverez quelques mots sur la nature des concepts, sur leurs caractéristiques, puis une méthode et des exercices pour les définir et les distinguer.
Vous n'avez pas à apprendre tout, mais devez savoir ce que sont l'extension et la compréhension, le rapport entre genre et espèce, ainsi que ce que sont des conditions nécessaires et des conditions suffisantes et vous devez faire les exercices.
Vous n'avez pas à apprendre tout, mais devez savoir ce que sont l'extension et la compréhension, le rapport entre genre et espèce, ainsi que ce que sont des conditions nécessaires et des conditions suffisantes et vous devez faire les exercices.
I.
Les concepts
I.1.
Qu'est-ce qu'un concept ?
Nous
devons dire quelques mots sur les concepts avant d'expliquer en en
quoi consiste le travail de définition et de distinction.
Un
concept est : (def.) le plus petit élément d'un jugement.
Dans ce sens, les concepts sont comme les atomes de la pensée. Une
pensée est une combinaison de concepts.
Un
concept identifie un type de choses. Nos concepts nous permettent de
classer les choses en les regroupant selon les propriétés qu'elles
possèdent en commun.
On
s'est très tôt demandé si les concepts sont des entités purement
mentales ou des aspects des choses :
« En
ce qui concerne les genres et les espèces : subsistent-ils en
eux-mêmes ou ne sont-ils contenus que dans les pures conceptions
intellectuelles, sont-ils des substances corporelles ou incorporelles
; sont-ils séparés enfin des choses sensibles ou y sont-ils
impliqués, y trouvant leur circonstance? Je me garderai de le
préciser; c'est un problème très difficile nécessitant des
recherches approfondies. »
Porphyre, Isagogè
Trois
grandes positions philosophiques se sont disputées par rapport à ce
problème appelé la « querelle des universaux » :
- Le nominalisme : les concepts généraux ne sont que les façons dont nous utilisons les mots. Si le nominalisme a raison, les définitions servent à se mettre d'accord sur les mots. Elles permettent donc de se mettre d'accord sur ce que l'on dit et de dissiper les malentendus et de « construire » des essences artificielles pour nos théories.
- Le conceptualisme : les concepts généraux existent dans notre esprit. Si le conceptualisme a raison, les définitions servent mettre de l'ordre dans nos pensées et de s'accorder avec la structure de notre esprit.
- Le réalisme : les concepts généraux renvoient à des propriétés réelles des choses. Si le réalisme a raison, les définitions énoncent l'essence des choses.
I.2.
Compréhension et extension
Les
concepts se définissent par leur extension
et par leur compréhension :
L'extension
est : (def.) l'ensemble des choses auxquelles le concept
s'applique. Définir le concept d'homme en extension, c'est faire la
liste de tous les êtres humains : {Pierre, Marion, Paul,
Gérard, Julie, etc.}
La
compréhension est : (def.) l'ensemble des propriétés que
possèdent en commun les choses auxquelles le concept s'applique.
Définir le concept de célibataire, c'est énoncer les propriétés
caractéristiques des célibataires : êtres humains non-mariés.
- I.3. Genres et espèces
Les
concepts entretiennent des liens logiques, ils sont organisés dans
des classifications. Pour classer les concepts, on parle de
« genres » et d' « espèces ». Un genre
est un concept dont l'extension est plus grande et la
compréhension plus simple. Une espèce est un concept dont
l'extension est contenue dans l'extension d'un genre et dont la
compréhension est plus complexe.
Par
exemple :
Genre
|
Espèce
|
Arbre
Véhicule
|
Chêne,
Tilleul, Cerisier, etc.
Vélo,
Train, Voiture, etc.
|
Une définition bien formée obéit à
trois règles1 :
- non-circularité : le terme défini n'entre pas dans la définition
- adéquation extensionnelle : la définition correspond à toutes les choses auxquelles le terme défini s'applique et uniquement à l'ensemble de ces choses
- adéquation intensionnelle : la définition doit énoncer les propriétés caractéristiques de la chose définie
II.1.
Par genre commun et différence spécifique
Selon
Aristote, la définition doit donner le
genre commun et la différence spécifique. Pour
définir un terme, il faut donc procéder en deux temps :
- Remonter au genre auquel il appartient, c'est à dire au concept d'extension supérieure.
Par
exemple :
Concept
de départ
|
Genre
|
Table
Évolution
Action
|
Meuble
Transformation
Mouvement
|
- Énoncer la propriété qui caractérise l'espèce et qui délimite l'extension du concept aux seules choses qui possèdent cette propriété.
Par
exemple :
Concept
de départ
|
Genre
|
Différence
spécifique
|
Table
Evolution
Action
|
Meuble...
Transformation...
Mouvement...
|
… consistant
en un plateau soutenu par plusieurs pieds
… graduelle
… volontaire
|
Une
distinction conceptuelle montre généralement le genre commun à
deux concepts et leurs différences spécifiques. Par exemple :
l'opinion irréfléchie et la connaissance sont toutes les deux
des croyances, mais l'opinion peut aussi bien être vraie que fausse et n'est pas justifiée tandis que la connaissance est à la fois
vraie et justifiée.
On
peut aussi distinguer deux concepts en montrant que l'un est une
espèce de l'autre pour dissiper un amalgame. Par exemple : la
superstition est une espèce de croyance basée sur une
justification irrationnelle, mais toutes les croyances ne sont pas
des superstitions.
Exercice 1 :
trouvez le genre commun et la différence spécifique des termes
« piano », « égoïsme » et « illusion »
|
Exercice
2 : distinguez, en montrant leurs différences spécifiques,
les concepts : « pouvoir légitime / tyrannie »,
« liberté / licence », « opinion /
connaissance ».
|
II.2.
Conditions nécessaires et conditions suffisantes
Un
bon moyen pour trouver le genre et l'espèce qui définissent un
concept est de trouver ses « conditions nécessaires » et
ses « conditions suffisantes ».
II.2.1.
Conditions nécessaires
N
est une condition nécessaire de P si N est vrai lorsque P est vrai.
Autrement
dit : pas de P sans N.
Exemples :
Si
on peut skier (P), alors il y a un sol glissant (N).
Si
x est une connaissance (P), alors x est une croyance (N).
II.II.2.
Conditions suffisantes
S
est une condition suffisante de P si P est vrai lorsque S est vrai.
Autrement
dit : S garantit P.
Exemples :
Si
la neige fond (P), alors la température est supérieure à 0°c (S).
Si
x est vrai (S), alors x est une connaissance (P).
II.II.3.
Conditions nécessaires et suffisantes
C
est une condition nécessaire et suffisante de P si P est vrai
lorsque C est vrai et si P est faux lorsque C est faux.
Autrement
dit : P si et seulement si C
Exemples :
Le
quadrilataire ABCD est un losange (P) si et seulement si les
diagonales de ABCD se coupent en leur milieu et sont perpendiculaire
(C).
Gérard
est célibataire (P) si et seulement si Gérard est un être humain
et qu'il n'est pas marié (C).
x
est une connaissance (P) si et seulement si x est une croyance vraie
justifiée (C).
Exercice
3. Dites si l'expression C entre crochets est une condition
nécessaire, suffisante, nécessaire et suffisante ou ni
nécessaire ni suffisante.
|
Pour approfondir : http://www.ontologyfreak.com/logique-formelle-et-informelle
1Engel
et Dutant, Philosophie de la connaissance, Vrin
mercredi 11 septembre 2013
Problématiser
Les sujets de
dissertation sont formulés sous la forme de questions. À elles
seules, ces questions ne sont pas des problématiques. Le
problématique est un développement qui explique pourquoi la
question se pose, elle consiste à formuler le problème
posé par le sujet.
- Un problème conceptuel
Un problème
philosophique est une difficulté posée par des concepts abstraits :
soit un concept est obscur et il faut le clarifier en le définissant
par d'autres concepts, soit le lien entre deux concepts n'est pas
clair et il faut clarifier ce lien.
Ici il faut bien
comprendre qu'un concept n'est pas qu'un mot abstrait. Il ne faut pas
considérer qu'un problème philosophique est simplement un problème
de mots et qu'il suffit de définir les mots du sujet pour faire
apparaître le problème.
- Une aporie
Un problème
philosophique est vécu comme un embarras intellectuel, il s'agit
d'une difficulté à comprendre un lien entre nos idées ou
simplement à manquer d'idées pour répondre à une question. Poser
un problème suppose donc de reconnaître que nous ne pouvons pas
répondre immédiatement, que nous ignorons d'abord la réponse.
Aristote dit qu'« apercevoir une difficulté et s'étonner,
c'est reconnaître sa propre ignorance ».
Cette confusion doit être
exprimée à travers une aporie : (def.) deux opinions
incompatibles et aussi bien justifiées l'une que l'autre pour
répondre à une question.
Dans une dissertation, la
problématique doit formuler une aporie.
- Le présupposé du sujet
Un sujet de dissertation
est une phrase interrogative qui met une thèse en question, elle
présuppose donc que cette thèse qui doit être prise en compte et
elle présuppose en même temps qu'elle n'est pas non plus suffisante
(sinon elle ne serait pas mise en question) et qu'il faut proposer
une autre thèse incompatible.
Par exemple « Suffit-il
de se sentir libre pour être libre ? » met en
question la proposition « Il suffit de se sentir libre pour
être libre. ». Elle présuppose que le sentiment de
liberté est une part importante (peut être nécessaire) de la
liberté ou de l'idée que l'on a spontanément de la liberté et
elle présuppose en même temps qu' « il ne suffit pas de se
sentir libre pour être libre ».
- Exercice
Cherchez le présupposé
et l'aporie qui correspondent à chacun de ces sujets :
- Sommes-nous toujours libres dans nos décisions ?
- Naît-on libre ou le devient-on ?
- Avons-nous un destin ?
dimanche 12 mai 2013
Les médias et la crédulité
Voilà une interview du sociologue Gérald Bronner sur la façon dont les médias renforcent la crédulité. Ce ne sont pas les médias qui nous manipulent mais ils nous livrent tant d'informations que nous pouvons piocher librement ce qui renforce nos croyances : http://www.youtube.com/watch?v=Fai3tv3y87w.
Voilà une interview du sociologue Gérald Bronner sur la façon dont les médias renforcent la crédulité. Ce ne sont pas les médias qui nous manipulent mais ils nous livrent tant d'informations que nous pouvons piocher librement ce qui renforce nos croyances : http://www.youtube.com/watch?v=Fai3tv3y87w.
mardi 23 avril 2013
Texte de Durkheim étudié dans le cours sur la société
[La
société] est, pour les consciences individuelles, un objectif
transcendant. En effet, elle déborde l’individu de toutes parts.
Elle le dépasse matériellement, puisqu’elle résulte de la
coalition de toutes les forces individuelles. Mais, à elle seule,
cette grandeur serait insuffisante. L’univers, lui aussi, dépasse
l’individu, l’écrase de son énormité, et pourtant l’univers
n’est pas moral. Seulement, la société est autre chose qu’une
puissance matérielle ; c’est une grande puissance morale.
Elle nous dépasse, non pas seulement physiquement, mais
matériellement et moralement. (…) la civilisation, c’est
l’ensemble de tous les biens auxquels nous attachons le plus grand
prix ; c’est l’ensemble de toutes les plus hautes valeurs
humaines. Parce que la société est à la fois la source et la
gardienne de la civilisation, parce qu’elle est le canal par lequel
la civilisation parvient jusqu’à nous, elle nous apparaît donc
comme une réalité infiniment plus riche, plus haute que la nôtre,
une réalité d’où nous vient tout ce qui compte à nos yeux, et
qui pourtant nous dépasse de tous les côtés puisque de ces
richesses intellectuelles dont elle a le dépôt, quelques parcelles
seulement parviennent jusqu’à chacun de nous. Et plus nous
avançons dans l’histoire, plus la civilisation devient une chose
énorme et complexe ; plus par conséquent elle déborde les
consciences individuelles, plus l’individu sent la société comme
transcendante par rapport à lui. Chacun des membres d’une tribu
australienne porte en lui l’intégralité de sa civilisation
tribale ; de notre civilisation actuelle, chacun de nous ne
parvient à intégrer qu’une faible part.
Mais
nous en intégrons toujours quelque part en nous. Et ainsi, en même
temps qu’elle est transcendante, par rapport à nous, la société
nous est immanente et la sentons comme telle. En même temps qu’elle
nous dépasse, elle nous est intérieure, puisqu’elle ne peut vivre
qu’en nous et par nous. Ou plutôt elle est nous-même, en un sens,
et la meilleure partie de nous-même, puisque l’homme n’est un
homme que dans la mesure où il est civilisé. Ce qui fait vraiment
de nous un être humain, c’est que nous parvenons à nous assimiler
de cet ensemble d’idées, de sentiments, de croyances, de préceptes
de conduites que l’on appelle la civilisation. (…) Abandonné à
lui-même, l’individu tomberait sous la dépendance des forces
physiques ; s’il a pu y échapper, s’il a pu s’affranchir,
se faire une personnalité, c’est qu’il a pu se mettre à l’abri
d’une force sui generis, force intense, puisqu’elle
résulte de la coalition de toutes les forces individuelles, mais
force intelligente et morale, capable, par conséquent, de
neutraliser les énergies inintelligentes et amorales de la nature :
c’est une force collective. Permis au théoricien de démontrer que
l’homme a droit à la liberté ; mais quelle que soit la
valeur de ces démonstrations, ce qui est certain, c’est que cette
liberté n’est devenue une réalité que dans et par la société.
Durkheim, Sociologie
et philosophie, Ch.II.
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